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Aimez-vous Rosa de Geng ?

Aimez-vous Rosa de Geng ?

Aimez-vous Rosa de Geng ?
Mis en ligne le jeudi 1er mai 2008 ; mis à jour le dimanche 8 juin 2008.

Publié dans le numéro VII (déc. 2007-fév. 2008)

La fée me fit assoir avec elle au seuil d’une grotte d’où s’élançait une cascade mélodieuse et que tapissaient les beaux rubans des scolopendres et le velours des mousses fraîches diamantées de gouttes d’eau.

- Tout ce que tu vois là, me dit-elle, est mon ouvrage. Tout cela est fait de poussière ; c’est en secouant ma robe dans les nuages que j’ai fourni tous les matériaux de ce paradis. Mon ami le feu les avait lancés dans les airs, les a repris pour les recuire, les cristalliser ou les agglomérer après que mon serviteur le vent les a eu promenés dans l’humidité et dans l’électricité des nues, et rabattus sur la terre ; ce grand plateau solidifié s’est revêtu alors de ma substance féconde et la pluie en a fait des sables et des engrais, après en avoir fait des granits, des porphyres, des marbres, des métaux et des roches de toute sorte.

J’écoutais sans comprendre et je pensais que la fée continuait à me mystifier. Qu’elle eût pu faire de la terre avec de la poussière, passe encore ; mais qu’elle eût fait avec cela du marbre, des granits et d’autres minéraux, qu’en se secouant elle aurait fait tomber du ciel, je n’en croyais rien. Je n’osais pas lui donner un démenti, mais je me retournai involontairement vers elle pour voir si elle disait sérieusement une pareille absurdité.

Quelle fut ma surprise de ne plus la trouver derrière moi ! mais j’entendis sa voix qui partait de dessous terre et qui m’appelait. En même temps, je m’enfonçai sous terre aussi, sans pouvoir m’en défendre, et je me trouvai dans un lieu terrible où tout était feu et flamme. On m’avait parlé de l’enfer, je crus que c’était cela. Des lueurs rouges, bleues, vertes, blanches, violettes, tantôt livides, tantôt éblouissantes, remplaçaient le jour, et, si le soleil pénétrait en cet endroit, les vapeurs qui s’exhalaient de la fournaise le rendaient tout à fait invisible.

Des bruits formidables, des sifflements aigus, des explosions, des éclats de tonnerre remplissaient cette caverne de nuages noirs où je me sentais enfermée.

François Lucie

À chaque fois qu’un enfant dit qu’il ne croit pas une fée, il y a une fée qui se meure. C’est ce que disent les adultes, mais les enfants savent - car ils les connaissent - que les fées sont d’étranges séductrices, douées pour la danse et le chatoiement des couleurs. Elles ne cherchent pas à ce qu’on croit en elles, mais à jouer avec nous. Et tous les textes qui parlent d’elles sont pareils : ils ne demandent pas notre bénédiction, mais notre méfiance amoureusement infinie. Celui-ci ne fait pas exception : il est retors et délicieux, tordu et simple, terriblement séduisant et appelant à la plus grande circonspection. Qui est cette narratrice ? De quelle époque nous parle-t-elle ? Vient-elle du XIXe ou du XXe siècle ? Est-elle femme ou homme, mère ou fille, sorcière ou fée ? « (...) Une cascade mélodieuse et que tapissaient les beaux rubans des scolopendres et le velours des mousses fraîches diamantées de gouttes d’eau. » On pense à un ou une romantique, petite ou grande, mais au langage simple, léger, musical. L’électricité nous l’indique, mais n’en indique pas beaucoup plus... « Des lueurs rouges, bleues, vertes, blanches, violettes, tantôt livides, tantôt éblouissantes, remplaçaient le jour (...)  » C’est la grand-mère de Nodier qui a écrit ce texte, avec l’aide de la nièce d’André Hardellet. Je la reconnaîtrai entre mille.

 

Jacques Facial

Le narrateur est une femme si j’en crois l’accord du dernier mot du texte. C’est le seul élément objectif de ces quelques lignes franchement cryptiques. Il y est question d’une fée qui serait à l’origine du monde et d’une narratrice dont on ne sait rien mais qu’on trouve incrédule devant cette fée toute puissante capable de commander aux éléments.

J’ai le sentiment qu’il s’agit d’un rêve raconté par la narratrice et non d’un conte, ni d’une reformulation de la Création même s’il est clairement dit que « tout cela est fait de poussière », référence à peine voilée à la Bible. Et pourtant, je persiste à penser que nous sommes en présence d’un récit onirique comportant un vocabulaire très élaboré mettant en présence toutes les forces tutélaires de la psyché humaine, l’eau, le feu, le Paradis, l’Enfer, l’élévation, la chute, la création, la destruction... Tous ces contraires qui alimentent nos fantasmes et nos interrogations de mortels.

Plus simplement, imaginons être en présence d’une allégorie passant d’une grotte initiale, lieu éminemment platonicien, à une caverne d’emprisonnement, symbolisation de la vie humaine.

Quoi qu’il en soit, le vocabulaire utilisé vise à impressionner le lecteur autant que les paroles de la fée impressionnent la narratrice. Le merveilleux baigne le texte et j’ai devant les yeux un tableau débordant de couleurs et de symboles de vie et de mort. Typiquement un roman qui de prime abord me donne envie de passer mon chemin et de tourner les yeux vers d’autres lignes mais j’aimerai bien savoir de quoi il retourne ici.

 

Nuit blanche

Je ne sais pas ce qu’il y a de plus extraordinaire, le fait que je trouve ce texte très intéressant ou l’histoire de cette fée ! Qui ne rêverait pas en effet de pouvoir créer à volonté toutes sortes de choses du plus infime au plus grandiose tout simplement en secouant sa robe ! En ce qui me concerne j’aurais tout un univers à inventer.

L’auteur de ce texte l’écrit tellement bien que ça donnerait presque envie de s’y retrouver, de voir ce que cela peut réellement donner lorsqu’une fée et ses amis les quatre éléments se réunissent pour édifier un endroit « féerique » et le terme est véritablement approprié. En effet, dès le moment où j’ai lu les premières lignes de ce passage, de la musique, des couleurs, des odeurs m’ont transportés très loin dans mon imaginaire, c’est sûrement à cause de la cascade mélodieuse. Quoi qu’il en soit le décor est vite posé et on peut s’y promener en pensée. C’est agréable, j’imagine comment tout s’orchestre au dessus de ma tête... C’est très enthousiasmant, peut-être ne ressentez vous pas la même énergie que moi en ce moment, il suffit juste d’imaginer que cela puisse être réelle.

Cependant nous ne sommes pas dupe et comme le dit si bien le narrateur nous avons nous même peur d’être « mystifié », n’est ce pas ? C’est plutôt drôle d’ailleurs il suffit de se secouer pour que tout devienne réalité ! C’est de la fiction bon sang et j’adore ça !

Le fait de pouvoir raconter des choses invraisemblables sans que cela ne paraisse choquant ou tout simplement fou. Le narrateur s’enfonce sous terre, et je ne peux m’empêcher de penser à Alice, pardonnez moi c’était inévitable. Tout comme elle j’aimerai savoir où me mènera ma curiosité. Ici la curiosité du narrateur est plutôt craintive, il n’a pas vraiment l’âme d’un aventurier ! Il faut bien avouer que tout cela peut faire peur à qui ne s’attend pas à rencontrer mille et une choses fantastiques. Aussi je peux ressentir et partager l’angoisse de ce narrateur « pris au piège » bien que je sois, je pense, beaucoup plus courageuse !

Enfin pour résumer ma pensée et pour conclure, je dirais que cette fée serait comme une métaphore de l’écrivain qui crée tout un monde à partir d’éléments divers préexistant CE QUI EST GENIAL ! Le mystérieux auteur serait donc... Une Fée ?!

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