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Dans l’arrière-boutique des anthropologues
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« Le respect de la diversité n’est pas une donnée française »
Une audience à la Cour nationale du droit d’asile
Grothendieck mon trésor (national)
Publié dans le
numéro 02 (27 février 2010)
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« Qu’est-ce tu fais, là ? Sors de ton lit, vas-y, prends ton sylo, et craque. — Nan, j’ai plus envie, lâche-moi, j’fais plus rien. » (« Mélanie ») C’était bien la peine de créer un magnifique suspens autour de Stéphanie Binet : la journaliste de Libération, pour des raisons personnelles qui n’ont rien à voir avec le sujet, n’a pas pu me répondre. À suivre, à nouveau donc. D’autant qu’un lecteur avisé qui parle le langage des djeun’s mais ne l’est plus vraiment (22 ans) me signale par sms : La phrase « si j’ai un mari qui tue ben j’m’en fous de la parité » doit être comprise de la manière suivante : si j’ai un mari mortel / qui déchire (cf. par ex « oh là elle tue ta voiture ») et non pas comme si celui-ci était un criminel. Allons savoir, peut-être que Stéphanie Binet ne s’était pas trompé sur le sens de ce « qui tue », mais cela montre bien que, moi, je suis un peu déconnecté de ce dont je veux parler.
J’avais aussi le projet de rencontrer Sébastien Catillon, le manageur de Diam’s, celui dont elle dit dans « Si c’était le dernier » : « À l’heure qu’il est ici bas, si je jure que je vais bien c’est que tout le temps derrière moi tu peux croiser Sébastien ». Sébastien Catillon qui, dans 7 à 8 sur TF1 répondait à une question sur la stratégie de disparition médiatique de Diam’s : « Ce n’était pas une stratégie ; elle nous avait dit «je sais que je vous pose un problème en vous demandant ça», mais chacun son travail ». Sébastien Catillon n’a pas de bureau à Hostile Records, la filiale d’Emi qui produit Diam’s : le mail que j’ai envoyé à l’attaché de presse, Fawzi Meniri, qui m’a promis qu’il allait immédiatement le transmettre, n’a eu aucune réponse.
Tout se passe donc comme si la disparition de Diam’s s’étendait à tout ce que je cherche à raconter. C’est le moment de parler de Thomas Pynchon, le dernier écrivain secret (J.D. Salinger ayant retrouvé un visage avec sa mort) : je ne compare pas le talent de l’une et de l’autre, mais j’aimerais savoir pourquoi tout le monde s’incline devant le désir de Pynchon de disparaître derrière son œuvre, alors que Diam’s est accusée d’esquiver le débat. Dépêche de CNN, le 5 juin 1997 : « Alors qu’une caméra de CNN avait enregistré des images de Pynchon à Manhattan, il nous a appelé pour nous demander de n’apparaître dans aucune image diffusée (une requête acceptée, après un long débat, par CNN) ». C’est toujours drôle de trouver CNN plus classieux que le patron du Nouvel obs’, Denis Olivennes, qui s’offusque que son journal ait été condamné le mois dernier (avec publication judiciaire en Une) pour atteinte à la vie privée de Diam’s : « c’est la justice façon Kafka ! » (sic). Pour mémoire, l’article, paru fin 2009, racontait, sans conditionnels, comment à l’île Maurice, Diam’s aurait commencé à « se couvrir le corps » et « prier plusieurs fois par jour ». Ce qu’on aurait du mal à appeler autrement qu’une atteinte à la vie privée.
Revenons au disque, S.O.S. Dans ses chansons, Diam’s, non sans orgueil, affirme son nouveau statut, internet ayant fait d’elle « une star jusque Madagascar ». « Chez le contrôleur fiscal » elle comprend qu’elle a « pris du grade » et que sa place « est confortable » (le fameux million d’euros versé aux impôts). Que faire de cet argent ? « Je préfère que tout parte aux enfants du désert parce que je n’emporterai rien sous terre ». Culpabilité face à la réussite combinée à l’envie d’aller aider l’Afrique ? On dirait du Daniel Balavoine : qui, en 1985, décidait de verser l’ensemble des droits (300.000 francs) de sa chanson « Un enfant assis attend la pluie », sur la sécheresse en Éthiopie, à des opérations en faveur de l’Afrique. Une fois n’est pas coutume, je trouve un beau texte de Houellebecq (Paris-Match, mars 2009) consacré à Balavoine : « Parvenu à la gloire en chantant le cynisme, Daniel Balavoine devait consacrer le reste de sa brève carrière à essayer de le dépasser ; et il y parviendra, finalement, dans son ultime et sublime disque, Sauver l’amour. Disque profondément triste, pourtant, parce que musicalement raté. » Le parallèle avec Diam’s me semble soudain évident : S.O.S. est manifestement un disque raté, et Diam’s lance un Big Up Project en faveur de l’Afrique : « J’espère bien qu’avec le temps, on aidera des hommes à prendre soin des enfants de Madagascar aux Comores, c’est parti pour toute la vie, si Dieu me le permet » (« Si c’était le dernier »). Le site internet du Big up project est « under construction » mais j’ai réussi à obtenir l’adresse des bureaux de la fondation. Il est temps d’aller voir sur place.