LUN18MAR2024
Rubrique Agenda
Accueil > Articles > Tigreries > Petite vie des grands hommes >

Le marquis de Sade

Le marquis de Sade

Le marquis de Sade
Mis en ligne le mardi 29 janvier 2008.

Publié dans le numéro VI (octobre-novembre 2007)

Le 2 juin 1740, Donatien Aldonse Sade naît. Pour fêter son uniforme de cavalerie de drap bleu, il tire un feu d’artifice dont une fusée tombe sur une maison. 1763 : Sade arrive avec des artichauts et du pâté à son mariage. Complimente le contresens de sa femme et lui baise bien les fesses : élevé chez les jésuites, il en a retenu qu’il ne fallait nager dans le vide parce que, selon Descartes, la nature abhorre le vide. Une fille raconte qu’il lui a raconté avoir introduit deux osties dans le sexe d’une fille. Prison, libération. Arcueil 1768 : Sade, vêtu d’un manchon de lynx, propose à une mendiante et/ou prostituée de le suivre, puis l’attache et/ou la fouette et/ou l’entaille. Seule certitude : il lui a donné une assiette de bœuf bouilli. Prison, libération. Sade a trente-et-un ans, trois enfants et une belle-sœur vierge, chanoinesse, jolie, moins vierge. Marseille 1772 : Sade se fait appeler Lafleur, son valet se fait appeler Monsieur le marquis, les filles mangent trop de bonbons à l’anis empoisonnés. Gravé sur la cheminée : 215, 179, 225, 240 - les coups. Prison : six cartes de géographie décorent ses murs ; deux petits chiens lui tiennent compagnie. Évasion : Sade, déguisé en prêtre sur une embarcation à la dérive, reçoit la confession des autres passagers. Sade achète un clavecin. Sade ramène d’Italie un petit hermaphrodite. Sade surnomme sa servante Justine, et dit qu’il aurait été archifou d’abuser d’elle. Prison, évasion, prison : au donjon de Vincennes, monsieur le 6 demande des promenades. Sa femme lui envoie un coussin de fauteuil fait de façon que le croupion ne porte pas, because les hémorroïdes. Fait fabriquer par les ébénistes du faubourg Saint-Antoine des étuis d’une taille extravagante pour lesquels ils n’ont pas de bois de rose ni d’ébène assez gros. Lui porte un gâteau au chocolat et noir en dedans à force de chocolat, comme le cul du diable l’est à force de fumée. Sade ne mange que le beurre de l’Enfant Jésus. Devient obèse. Myope. Chauve. Plus d’illusions, je les ai, ces charmants quarante ans. Sade écrit à sa femme (petit chou, porc fais de mes pensées, écoulement des esprits angéliques), à son serviteur La Jeunesse (arête de la baleine de Jonas, sangle pourrie du baudet de ma femme, linge sale des choses rouges de Milli Printemps), à Mlle de Rousset (Milli Printemps, petite bête) qui l’appelle monsieur le fagot d’épines et moun cher de Sade, délicé de moun ame. Sade lit les six cents volumes de sa bibliothèque - moins le livre qu’on lui refuse : les Confessions de Rousseau. Sade déménage à la Bastille, où on l’oblige à balayer sa chambre - je n’y entends malheureusement rien, c’est la faute de mes parents de n’avoir pas fait entrer ce talent-là dans mon éducation. 14 juillet 1789 : prise de la Bastille en général et de sa cellule en particulier, et dans sa cellule de la bande de 12,10m de long sur 11cm de large contenant les Cent Vingt Journées de Sodome. Un journaliste annonce sa mort. 1803 : Sade est vivant, enfermé à l’asile de Charenton. Dans sa chambre, entre autres : sa maîtresse, un portrait de son père, tout Voltaire, La Princesse de Clèves, et parfois une infirmière de seize ans dont il chiffre les ø. Presque aveugle, Sade écrit en lettres tremblantes sur une enveloppe grise papiers trouvés sur mon fils après sa mort. Sade fait jouer et applaudir ses pièces de théâtre devant par les fous de l’hospice. Sade demande à être enterré dans une fosse sur laquelle il sera semé dessus des glands, afin que les traces de ma tombes disparaissent de dessus la surface de la terre. En vain : c’est une croix qui est élevée sur sa tombe.

Son crâne, exhumé, fut étudié. Conclusion : il était en tous points semblable à celui d’un père de l’Église. Toute sa vie, Sade fut surveillé par le flic Marais, qui consigna très irréligieusement ses débauches : pour le plus grand plaisir de Louis XV, et pour le nôtre.

 

 

source : Maurice Lever, Donatien Alphonse François, marquis de Sade, Fayard, 1991.

 

 

Accueil | Plan | Contacts | RSS | Mailing-list | Ce site