Dans l’arrière-boutique des ship managers
Dans l’arrière-boutique des anthropologues
« J’arrive à faire face à à peu près tout »
« Le respect de la diversité n’est pas une donnée française »
Une audience à la Cour nationale du droit d’asile
Grothendieck mon trésor (national)
|
Enfant, Beckett a peur du noir. Il exige que sa
veilleuse reste allumée toute la nuit et ne se sépare jamais de son ours en
peluche Baby Jack. À dix
ans, Beckett jette une allumette dans un bidon d’essence : il se brûle
le visage et attendra une quinzaine de jours avant de retrouver une peau
normale. Intrépide, Beckett se jette les bras tendus du haut d’un sapin de
vingt mètres pour atterrir délicatement dans les branches basses de l’arbre
résineux. Beckett tente de sauver un hérisson en l’installant dans un carton à
châpeau en compagnie de charmants vers de terre puis oublie le pauvre mammifère
et le laisse seul pendant plusieurs semaines. En 1923, Beckett s’inscrit en
lettres à Trinity College et ramène invariablement ses cheveux courts et roux
sur le côté droit de son crâne. Il vit chez ses parents jusqu’à l’été 1926.
Alors qu’il fonce vers Trinity College au guidon de sa motocyclette AJS,
Beckett heurte un de ses maîtres de conférence d’italien, Sir Robert Tate. À Paris
en 1928, Beckett se met à boire et rentre souvent raide pété dans sa
chambre de l’École normale. De retour en Irlande en 1930, Beckett passe ses
journées à écouter la pluie et les arbres. Le 26 décembre 1932, Beckett part
sous la pluie pour une ballade à bicyclette jusqu’à Donabate au nord de Dublin.
En septembre 1934, Beckett emménage à Londres dans un grand studio où il
apprécie le confort du poêle à charbon. Il revient à Dublin en avril 1935. Il
joue du piano, tond la pelouse et promène les chiens. Il retourne à Londres au
bout de trois semaines. En 1937, fin saoul, Beckett tente de faire crac-crac
sous la table avec la maîtresse de maison lors d’une soirée et s’entaille
sérieusement le cuir chevelu en allant piquer une tête dans la piscine de la propriété
vers deux heures du matin. En 1953, Beckett écoute de la musique classique, des
retransmissions de pièce de théâtre, des rencontres internationales de rugby ou
des matchs de boxe sur son petit poste de radio Telefunken dans sa maison d’Ussy-sur-Marne. Pour ses cinquante-deux
ans, Beckett reçoit deux boîtes de douze mouchoirs de la part d’un admirateur.
En 1958, Beckett fume des cigarettes françaises et boit de la stout. Début
1959, un bricoleur de La Ferté-sous-Jouarre répare sa clôture de barbelés détruite
par des sangliers. En 1961, sa maison est cambriolée une première fois. Les
voleurs oublient un tableau de Hayden mais emportent sa garde-robe et ses
slips. Beckett passe les fêtes de Noël et du Nouvel An 1964 seul avec du riz à
la grecque, des pruneaux cuits dt du vin blanc sec. À la fin de sa vie, Beckett
avait toujours des biscottes dans la poche de sa robe de chambre pour les filer
aux pigeons.
source : James Knowlson, Beckett, 1999