Mis en ligne le samedi 1er mars 2008 ; mis à jour le mardi 28 août 2007.
|
|
|
Publié dans le
numéro VI (octobre-novembre 2007)
|
Le 15 octobre 1582, à minuit une, il y a tout juste 425 ans, dans une
grange perdue de Shottery, un hameau proche de Stratford-Upon-Avon,
dans le Warwickshire, le jeune William Shakespeare, déjà roublard et
malin comme un singe alors qu’il n’était encore à cette époque qu’un
jeune homme âgé de dix-huit ans qui n’avait pas même écrit le premier
sizain d’un sonnet, s’empressa de faire l’amour à sa fiancée, la belle
et charmante Ann Hathaway, persuadé que celle-ci ne tomberait pas
enceinte. En effet, le moment choisi par notre jeune héros tenait selon
lui un rôle : nous étions le 15 octobre 1582, date exceptionnelle s’il
en est, qui correspondait à ce moment étrange, précis et unique, où
l’Occident catholique se réveilla, sans y avoir compris goutte, un
vendredi 15 octobre, alors qu’il était allé se coucher la veille, un
jeudi 4 octobre, un peu troublé déjà par les fantasques effets de la
bulle papale émise par Grégoire XIII. Un pape Grégoire XIII qui, on
s’en souvient, avait décidé de renvoyer l’ancien calendrier Julien,
vénérable héritage de Jules César, aux Calendes grecques, avanie
d’autant plus féroce que l’empereur romain n’était plus là, bien
entendu, pour défendre son bon droit. Notre poète pensait tromper son
monde et trouver dans cette manœuvre temporelle un contraceptif
puissant pour sa bien-aimée, mais la chose, on s’en doute, ne tourna
pas à l’avantage des tourtereaux. La jeune fille tomba enceinte de
William, et notre malheureux couple, surpris par l’infortune, de
s’afférer pour organiser un mariage en urgence, afin que l’opprobre ne
s’abatte sur la famille : Bill, s’il avait un don incontesté pour les
Lettres, n’en était pas moins une véritable brêle en affaires
scientifiques et, admettons-le, du haut de ses dix-huit ans, était
encore quelque peu dilettante quand il s’agissait d’aborder la chose
politique ; tout le monde savait, sauf lui, manifestement, que le
Royaume-Uni et sa part anglicane avait fermement refusé de s’aligner
sur Rome. Ce n’est qu’au crépuscule de sa vie, juste avant d’entendre
sonner le tocsin, que William Shakespeare réussit son coup de maître et
comprit enfin les subtilités du calendrier. Il se décida à mourir le 23
avril 1616, le même jour que le grand Miguel de Cervantès, alors que
celui-ci, à Madrid, était pourtant froid depuis dix jours. Et voilà
comment notre poète s’offrait une publicité sur le compte du génie
ibérique, ah ! C’est que cela se construit, une postérité ! to be
or not to be, comme dirait l’autre…