Mis en ligne le jeudi 7 juin 2007 ; mis à jour le lundi 10 septembre 2007.
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Publié dans le
numéro II (mai 2007)
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Le 15 mai 1930, il y a tout juste soixante-dix-sept ans, sous les regards inquiets de
son équipe composée de six jeunes aides-soignantes émues, Mme Ellen
Church, charmante infirmière en chef quinquagénaire originaire de
Cresco, dans l’Iowa, tentait, malgré les innombrables secousses que
subissait le vol San Francisco-Chicago particulièrement perturbé ce
jour-là, de maintenir en équilibre son plateau et ses tasses de café
bouillant, afin que rien ne se renverse sur l’un des quatorze clients de
la compagnie Boeing Air Transport. Quatorze émotions, quatorze regards
inquiets, quatorze faciès diversement marqués, qui pour la première fois
se faisaient servir avec douceur, prévenance et équilibre, un café et un
poulet froid aux haricots, par un encadrement parahospitalier souriant
et professionnel. Revenue de son périlleux exercice, Mme Church envoya
derechef à la rencontre des passagers la jeune Margaret Arnott,
initialement surveillante en pédiatrie, afin que celle-ci rassure chaque
client sur le vol, que tout se passerait bien, qu’il n’y avait aucune
raison de stresser, que des petits sacs en papier avaient été placés sur
le dossier du siège leur faisant face, qu’un parachute personnalisé se
trouvait également à leurs pieds, que tout allait bien, qu’ils étaient
confortablement assis sur leur siège, qu’il ne fallait pas transpirer
comme ça, que, de toute façon, on était là pour les encadrer et les
réconforter, qu’il ne fallait surtout pas hésiter à recommander du poulet,
que c’était compris dans le forfait. Sa mission terminée, Mlle Arnott
rejoignit à l’avant de l’appareil, dans le petit vestibule aménagé pour
elles, juste à l’entrée de la cabine de pilotage, ses cinq camarades et madame l’infirmière en chef Church, qui toutes affichaient une
décontraction imperceptiblement surjouée. M. Stimpson, patron de la
Boeing Air Transport, quand il vint interroger les passagers descendant
sur le tarmac de l’aéroport de Chicago, demander si ses « Filles du Ciel
» comme il les avait lui-même baptisées – le mot « hôtesse de l’air »
n’avait pas encore été composé – s’étaient montrées suffisamment douces
et prévenantes avec eux, découvrit quatorze cobayes soulagés lui assurer
comme un seul homme que ce serait effectivement une idée excellente que
de généraliser ce genre d’encadrement hospitalier. Ainsi l’on jugea le
nouveau service de M. Stimpson une expérience probante à réitérer, car,
finalement, c’était là, pour l’avenir, un bel et indispensable métier,
qui rassurait et apaisait.