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Dans l’arrière-boutique des anthropologues
« J’arrive à faire face à à peu près tout »
« Le respect de la diversité n’est pas une donnée française »
Une audience à la Cour nationale du droit d’asile
Grothendieck mon trésor (national)
Publié dans le
numéro 29 (jan.-fév. 2009)
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6 décembre 2008. Je suis avec Benoît Poelvoorde, à la fin de l’élection de Miss France, il était au jury, il a voté comme les autres pour Chloé Mortaud, il est au démaquillage, et ça ne va pas, ça ne va pas très fort, certes il a réussi à faire un peu le clown avec Jean-Pierre Foucault, mais en se forçant, la semaine précédente il était sur TV7 Nantes, il a dit « je sors juste de l’hôpital, je suis entre deux séances d’électrochoc, je me suis dit «tiens, je vais aller sur une chaîne de tévé, dire quelques conneries, et puis hop on me renferme» » ce qui était une demi-plaisanterie, quelques jours auparavant il avait demandé à être placé dans un hôpital psychatrique qu’il connaissait pour y avoir été soigné pour dépression, en 2007, en réalité cette fois-ci il n’y est pas vraiment resté mais c’était une façon pour que les policiers le laisse tranquille, la substitut du procureur avait déclaré qu’il était « un peu énervé et moins sympathique que dans ses rôles au cinéma », ça a fait beaucoup de bruit pour rien, le lendemain il était de retour sur le tournage de Coco Chanel, en revanche la dépression elle elle est vraie, il en beaucoup parlé dans les médias de ces crises d’angoisse, mais ça n’a rien guéri, il a le sentiment de plus exister vraiment, d’être devenu un personnage nommé Benoît Poelvoorde dont les gens considèrent qu’ils ont le droit de parler, sur le site du Figaro une journaliste parle du tournage d’Astérix sur lequel « il y avait des problèmes de drogue, il y avait des problèmes de call-girls » mais est-ce qu’elle peut imaginer que les problèmes sont plus complexes, est-ce qu’elle peut comprendre une enfance comme celle racontée à Libération l’année dernière, « je ne dormais jamais dans mon lit, mais pelotonné sur une paillasse, devant la porte de ma mère », Benoît Poelvoorde se tourne vers moi, il sait que la dépression je connais aussi, tacitement nous décidons d’aller noyer notre spleen ensemble, il va falloir que je supporte sa grosse moustache de Coco Chanel, et aussi ses postillons, mais c’est pas grave j’ai toujours aimé l’humour belge, surtout quand il est triste, et là il est très triste, Benoît Poelvoorde a 44 ans.
13 décembre 2008. Je suis avec Bruno Le Maire, le tout nouveau ministre des Affaires européennes, nous sommes à la passation de pouvoir avec Jean-Pierre Jouyet qui trois jours avant à l’Assemblée nationale lui déclarait « j’ignore quelles seront vos responsabilités à l’avenir, mais ce que je sais, c’est que votre connaissance de la langue allemande sera déterminante là où vous serez » ce qui était un peu cousu de fil blanc, les conseillers du Président avaient fait croire que le poste était promis à Rama Yade mais c’était une intox, ce matin Bruno Le Maire rend hommage à Jouyet qui était au PS après Bernard Kouchner qui a fait une blague sur l’ouverture qui penche maintenant du côté des villepinistes, ces petits jeux politiciens me fatiguent un peu, mais je suis venu parce que j’étais déjà avec Bruno Le Maire il y a presque un an, en janvier 2008, pour la sortie de son livre sur sa vie de directeur de cabinet de Villepin et j’étais aussi avec Nicolas Sarkozy qui s’était énervé contre le principe du livre mais qui finalement ne l’avait pas lu, Bruno Le Maire a bien compris qu’être intelligent n’est pas assez pour faire carrière qu’il faut être subtil en plus alors il a réussi à tracer une ligne précise entre fidélité villepiniste et avenir sarkozyste, ce matin il savoure ce qui lui arrive, il oublie de penser que pour ses deux garçons c’en est fini, dans son livre il en faisait un portrait déchirant, les crises d’asthme et de larmes à cause du père qui n’est jamais là, quand il est devenu député l’an dernier ils avaient un peu de temps pour le voir, mais il sera à nouveau toujours absent, toujours entre deux avions, deux réunions, vingt-six pays à visiter, Bruno Le Maire dit quelques mots en allemand pour marquer le coup, il dit « nos deux pays ont toujours été des précurseurs, et nous allons le rester », entre ses mains se tient la réconciliation franco-allemande, il sera plus fort que la haine entre Sarkozy et Merkel, ses enfants attendront, il ne pense pas à Laurence Chirac, il pense à son homologue allemand qu’il va appeler au téléphone, il a 39 ans.