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Silvio B. et François F.

Silvio B. et François F.

Silvio B. et François F.
Mis en ligne le vendredi 3 octobre 2008 ; mis à jour le jeudi 30 octobre 2008.

Publié dans le numéro X (juillet-août 2008)

21 mai 2008. Je suis avec Silvio Berlusconi, il vient d’arriver à Naples pour y tenir le Conseil des ministres deux semaines après son intronisation, Naples est à feu et à sang à cause des ordures qui s’amoncellent, mais avec ses ministres ils n’ont pas vu les décharges improvisées dans les rues, ils sont arrivés en avion puis conduits dans des berlines aux vitres fumées jusqu’au Palais Royal, ils entendent au loin les cris des manifestants, Silvio Berlusconi soupire et signe l’arrêté de nomination d’un Sous-secrétaire d’État aux déchets, Guido Bertolaso, quel drôle de destin, ce combat épuisant, cette quatrième campagne électorale, devenir Président du Conseil pour la troisième fois, pour faire cela, nommer un secrétaire d’État aux déchets, Silvio Berlusconi pense que cet imbécile de Nanni Moretti doit triompher, que s’il a l’audace de faire encore un film sur lui, une suite au Caïman, il ne manquera pas quelque plaisanterie là-dessus, mais il s’en fout parce que personne n’est meilleur que lui, Silvio Berlusconi, pour faire des plaisanteries, durant la campagne il a répondu que la meilleure façon de s’en sortir pour une jeune fille avec un emploi précaire c’était « d’épouser un garçon riche comme mon fils », mais ce mercredi au Conseil des ministres, je l’observe de près et je réalise que tout ce qu’on a dit sur lui est vrai, il est fatigué, malgré les liftings, le fond de teint et la moumoute, il ne peut cacher qu’il est fatigué, qu’un ressort s’est cassé, depuis un an et demi il porte un pacemaker, mais ce n’est pas que ça, ce n’est pas que de la fatigue physique, c’est qu’il n’a plus envie de jouer comme avant, pendant la campagne il a dit « seul un fou peut vouloir gouverner le pays », et il ne se sent plus fou, d’ailleurs la gauche l’attaque moins, Moretti l’attaque moins, c’est presque triste, il se souvient du début des années 2000, quand une moitié de l’Italie l’adorait et l’autre la détestait, là il a eu beau s’allier avec un membre notoire de la mafia et un fasciste non repenti, rien n’y a fait, Silvio Berlusconi a l’impression que seules les poubelles de Naples sont encore un enjeu en Italie, comme tous les vrais méchants il ne sait pas vieillir, et maquiller son âge il n’y est pas parvenu, il a 71 ans.

26 mai 2008. Je suis avec François Fillon, il est sept heures et demi du matin, il regarde la presse du jour, dans Le Parisien un énième article sur ses rapports avec Nicolas Sarkozy, François Fillon pourrait juste y jeter un coup d’œil, mais il ne peut s’empêcher de le lire, la veille il parlait avec le journaliste qui a écrit le papier, il cherchait une façon de dire les choses entre le off et le in, dans l’article ça donne « ce qui l’agace le plus, ce sont ces déplacements à l’étranger que lui confie Sarkozy (parfois au dernier moment) et qui, ces derniers temps, l’ont éloigné de ses tâches gouvernementales », il trouve que la phrase est bien, il est content de cette phrase, il aime cette façon de faire passer le message, dans cette non-communication qu’il a avec son président depuis quelques semaines, où tout passe par la presse ou les conseillers, il sait qu’au Château Claude Guéant va encore s’énerver, va l’appeler pour lui faire la morale, et comme d’habitude il laissera dire, il laissera faire comme l’histoire des réunions des sept « meilleurs » ministres autour de Xavier Bertrand, ce n’est même plus de l’humiliation c’est comme sous Staline, on le fait disparaître de son vivant, mais François Fillon a appris de sa femme Penelope le flegme britannique, il sait très bien que le temps joue pour lui, à la différence de Raffarin il est considéré comme un vrai responsable politique, quand Sarkozy voudra le faire partir il partira mais ensuite il aura une place particulière, une place pour 2012, il laissera Xavier Bertrand se cramer à Matignon, François Fillon est soudain regonflé à bloc, il est très content de cet article du Parisien, il est très content de ce qui lui arrive, un jour enfin les journalistes et les conseillers de Sarkozy comprendront qu’être calme ne veut pas dire effacé, discret ne veut pas dire sans ambition, François Fillon décroche son téléphone, il va appeler le journaliste du Parisien pour le remercier, un jour tout cela servira, il a 54 ans.

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