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Disette (juin 2011)

Disette (juin 2011)

Disette (juin 2011)
Mis en ligne le mardi 25 octobre 2011 ; mis à jour le jeudi 19 mai 2011.

Publié dans le numéro 006 (juin 2011)

La langue édicte ses conditions. À trop l’entendre, par un phénomène d’hyperacousie, il est possible de confondre ce qui est mystérieusement enfoui dans les phonèmes (les sons qui font les mots) et ce qui se matérialise dans leur résonance. Frontière et bordure sont constamment déplacées, étant dans les têtes. La mémoire d’une langue draine de drôles de choses. Si le fruité d’un jeu de mots s’entend dans un seul idiome - la musique alloue de la surenchère, ou pas -, il n’en est pas moins troublant que le refoulé de l’inconscient d’une langue claque tel une oriflamme.

La libre circulation à l’intérieur des frontières européennes s’écrit sur un papier à cigarettes. Étrange musique : les accords de Schengen. Chaîne-gaine. Ce qui gainait chacun chez soi rendu comme farandole obligatoire. Un citoyen de l’espace européen peut circuler à sa guise mais halte aux indésirables.

Préfet était le nom des surveillants d’internat. De sa férule, il corrigeait les insolents. Le rôle que se paie Claude Guéant - qui porte bien son nom - est celui des préfets de la République, les Pleven, Papon et autres museleurs. Séant mais point seyant, Guéant est le passeur du gué, qui fait payer au prix fort ceux qui veulent atteindre l’autre rive. Comme quoi notre patronyme nous rattrape, indique la patrie du cagibi, déterre la taupinière. Ce n’est pas uniquement un clapet phonétique qui détermine la politique de verrouillage symbolique des flux migratoires. La promotion de préfet de police à directeur de cabinet puis secrétaire général du palais à ministre traduit la féodalité de l’État régalien ; tragique et pitoyable est la rage de l’éclusier qui s’égosille à filtrer le bon rafiot du Radeau de la Méduse.

Les porte-voix de la République sont souvent les porte-faix de la génuflexion. Ils prodiguent barrages, filtres, impératifs, en voulant conserver à tout prix l’image d’avant. Un pays dans ses frontières devant contrôler ses ressortissants et cette envie lassante de vouloir quitter le sol natal. Se révélant incapables de réfréner la soif et la nécessité de rêver un ailleurs, certains gouvernements avouent leur impuissance. Incapable de saisir que le territoire est dorénavant virtuel, l’appartenance fluctuante et vouée à changer, que l’origine et la provenance démultiplient, défroissent les capacités de croisement et d’encensement mutuel, le portier fait office de videur.

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