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Au magasin des curiosités

Au magasin des curiosités

Au magasin des curiosités
Mis en ligne le samedi 20 mars 2010 ; mis à jour le lundi 22 février 2010.

Publié dans le numéro 02 (27 février 2010)

Au magasin des curiosités, le sexe est roi. Activité qui signe l’individu dans sa pratique sociale et intime, l’érotisme est un des derniers prés carrés à être conquis par la grande distribution. Dans les pays dits développés, un commerce florissant voit son taux de profit bondir : la boutique de cul soft. Sous couvert de lingerie fine et de vente d’articles coquins, sans encourir pour l’amateur l’opprobre du caractère clandestin du sex shop et de la pornographie hard core, un nouveau type d’échoppes s’affiche dans le centre des métropoles et des villes moyennes.

Je suis allé à la rencontre de deux clientes et un tenancier de ces officines new age peintes en orange ou en rose qui tiennent à la fois du salon de coiffure pour chiens, du magasin de cosmétiques et du magasin pour accessoires de carnaval.

Roland D. a ouvert son lieu il y a deux ans à Cavaillon au milieu d’une rue piétonne. Il s’avoue satisfait de la curiosité des gens. « Ils tentent plusieurs produits ; j’ai des fidèles. Quelques mecs aussi. Rarement des couples. Je ne vends rien de sale. » A Bollène, une cliente plutôt robuste m’a rassuré. « C’est amusant. J’ai été initiée par des copines. On se lance des défis. Les boules chinoises en marchant, jouir cinq fois en faisant ses courses l’air de rien, le pied !  » À la remarque sur l’usure de tout jeu et du peu d’affection que ces rituels procurent, elle répond : « Et alors ! C’est moins pénible qu’un mec qui ronfle ou s’endort devant la télé. »

La vente des sex toys suit une courbe ascendante. Les marges sont énormes d’autant que les clientes sont accro très vite. Il y a une montée en puissance dans la recherche du plaisir à tout prix, autogéré et sans manière. Non sans risque. L’addiction au safe sex et à la branlette de luxe non seulement rend sourd (à l’autre) mais dispense d’affronter la recherche du partage.

À la question de la perte possible du sentiment d’appartenance à la communauté - tous les coups ne sont pas d’égale valeur, les étreintes pas la même volupté - Cécile V., trente-huit printemps, répond à Marseille à l’entrée de la boutique boulevard de la Corderie. « Chaque mois, je m’achète une nouveauté ; j’ai huit sex toys chez moi et deux gods, un à trois vitesses et un mou couleur chair acheté dix euros en occasion. Ce que savent pas les mecs, qu’une queue molle et longue peut nous envoyer en l’air...Oui, ça muscle les parois vaginales et quand je rencontre un mec, je lui fais sa fête. »

Elle est jolie, enjouée. Sentant de ma part une réticence proche du chagrin, elle reconnaît toutefois jouer aussi en société mais reconnaît que ces jeux peuvent créer une dépendance. « À l’abandon en quelque sorte ? » « Oui », elle dit oui et me fait un petit signe de la main en remontant son écharpe mandarine sur son nez.

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