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Publié dans le
numéro 01 (13-26 février 2010)
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Entre le début du XXe siècle et la fin du XXIe, il existait des compétitions sportives se déroulant sur la neige et sur la glace. L’une des plus prestigieuses s’appelait « Les Jeux Olympiques d’hiver ». Déclinaison saisonnière des « Jeux Olympiques d’été », plus populaires, ils comptaient toutes sortes d’épreuves manifestant l’inventivité de nos ancêtres en matière d’activité physique : parcourir une surface glacée à l’aide de bottines à lames d’acier afin d’aller le plus vite possible ou d’effectuer des figures codifiées, descendre toutes sortes de pentes sur les objets les plus variés, s’élancer de gigantesques tremplins pour s’envoler le plus loin possible, etc. Les vainqueurs y remportaient des médailles de métal, de l’argent et parfois de la notoriété. D’après les sources à notre disposition, le public semble avoir goûté ce genre de spectacles, pour une série de raisons assez obscures et qui dépassent le cadre de notre recherche présente.
L’édition 2010 de ces « Jeux Olympiques d’hiver » fournit un cas d’étude particulièrement intéressant. Elle se déroula à Vancouver, dans l’ancien Canada. Avant l’ouverture de la compétition proprement dite qui fera l’objet d’une communication ultérieure, ce qui occupa les commentateurs (« journalistes » selon la terminologie d’époque) fut la détresse des organisateurs face à l’enneigement insuffisant des sols dévolus à certaines épreuves. Les images d’archive montrent des terrains boueux couverts de bottes de paille et des files de camions transportant la neige à destination de ces lieux. On évoqua l’exceptionnelle douceur de l’hiver. Une situation ressentie par les Canadiens de Vancouver comme une injustice d’autant plus grande que, dans le même temps, la côte Est des Etats-Unis d’Amérique, et en particulier leur capitale Washington D.C, connaissait un taux d’enneigement historique et des tempêtes qui valurent à ces jours les surnoms de « snowpocalypse » et « snowmaggedon ». Il est frappant de noter que rares furent les commentateurs de l’époque, qui firent le rapprochement avec un événement qui avait eu lieu deux mois plus tôt : l’échec du « sommet de Copenhague » (du nom de la capitale de l’ancien Danemark), une réunion sous l’égide d’une instance disparue aujourd’hui, l’Organisation des Nations Unies, censée trouver des moyens de lutter contre les changements climatiques. Ce que nos ancêtres vécurent alors comme un obstacle conjoncturel, pour ne pas dire cocasse, à leur épanouissement ludique doit être lu comme le premier signe d’une ère qui s’achevait.
Au fur et à mesure que le réchauffement climatique réduisit en Europe Occidentale et en Amérique du Nord la population pratiquant les sports d’hiver et que l’Asie et l’Amérique du Sud, géographiquement avantagées par des chaînes montagneuses plus altières et économiquement favorisée par une croissance spectaculaire, s’ouvrirent aux loisirs de neige, ces compétitions, traditionnellement dominées par les pays dits « du Nord », connurent une mutation progressive : ceux qu’on appelait encore Chinois, Indiens, Népalais, Pakistanais, Chiliens et Péruviens remportaient au milieu du XXIe siècle la quasi-totalité des médailles, avant d’obtenir que la mention « olympique » (considérée comme trop européano-centrée et désormais caduque) soit abandonnée. Ainsi est-ce sur les plus hauts sommets de l’Himalaya et de la Cordillère des Andes qu’on peut observer aujourd’hui les derniers vestiges des infrastructures nécessaires à la pratique de ces activités oubliées.