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« Le respect de la diversité n’est pas une donnée française »
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Grothendieck mon trésor (national)
Publié dans le
numéro VII (déc. 2007-fév. 2008)
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La Chine va accueillir les Jeux Olympiques en 2008, on le sait. Manifestation spectaculaire de la préparation d’un « bon environnement » pour cette occasion, les « murs culturels » qui émergent dans de nombreuses villes et villages du pays. Derrière cette dénomination floue, de grandes affiches censées instruire les foules, que les autorités chinoises définissent comme des « positions avancées d’éducation et de propagande ». En voici quelques exemples.
En 1966 débutait en Chine la Révolution Culturelle. Lorsqu’on pense à cet épisode politique, la première image qui vient est celle des Gardes Rouges vêtus de leur uniforme vert, la bande rouge autour du bras et le livre de Mao à la main. Mais l’on peut y ajouter cette particularité que furent les dazibao, journaux muraux écrits en gros caractères, qui couvraient tous les murs de Chine. Pour reprendre la terminologie marxiste, les murs étaient devenus le terrain privilégié de propagande du prolétariat contre la culture « féodale et capitaliste », et c’est sur les murs que se déployaient les messages visant à éradiquer les « Quatre Vieux », à savoir la vieille pensée, la vieille culture, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes.
Cinquante ans ont passé ; et cette révolution reste un traumatisme dans la mémoire des Chinois. Les moyens de propagande utilisés dans la société chinoise actuelle restent cependant bien proches de ceux du maoïsme. En témoigne actuellement ce que l’on appelle les « murs culturels » (wenhuaqiang).
L’édification de ces « murs culturels » à Pékin et dans les principales villes de Chine a débuté dans le contexte de la « construction morale des citoyens » (gongmin daode jianshe), mot d’ordre lancé en 2001 par le gouvernement central du Parti communiste chinois. Le Quotidien du peuple publie alors un texte intitulé « La mise en pratique de la construction morale des citoyens » : « La construction morale socialiste est importante pour le développement d’une culture avancée. [...] Pour renforcer cette construction, il faut gouverner le pays par la vertu. [...] Cependant, il existe encore beaucoup de problèmes sur le plan de l’éducation morale des citoyens. [...] Si ces problèmes ne se résolvent pas toute de suite et de manière efficace, ils vont nuire à l’ordre économique et social, et nuire à la conjoncture générale du développement et de la réforme. »
La « construction morale des citoyens » est dirigée par « la pensée marxiste-léniniste, la pensée maoïste, la pensée de Deng Xiaoping (1) et la pensée des Trois Représentations(2) de Jiang Zemin ». Cette « construction morale » doit ainsi « établir solidement, parmi le peuple chinois, l’idée commune de construire un socialisme à caractère chinois et des concepts corrects du monde, de la vie et des valeurs ». Parmi les multiples mesures prises à la suite de ce mot d’ordre, la mise en place d’une « ambiance sociale » favorable fut à l’origine de l’édification de ces murs culturels.
Village de Taishitun (district de Miyun, banlieue de Pékin, 2 000 hab.) affiches de 2m. sur 1,20 m.
Ce petit village compte à l’heure actuelle, cinq « murs culturels » réalisés sur ordre du gouvernement local. Tous représentent des paysages ou des figures symboliques surmontées d’un slogan politique. En vertu d’un accord, la clinique Zhongjingtang de Pékin dispose d’un espace publicitaire à droite de chaque affiche.
L’expression « Barong bachi », proposée
en 2006 par Hu Jintao (premier secrétaire du Parti communiste chinois
depuis 2002 et président de la République populaire de Chine depuis
2003), est devenue la nouvelle référence morale servant à juger le
travail, la conduite et l’attitude des fonctionnaires du Parti
communiste. En chinois, cette liste de huit motifs d’honneur et de huit
motifs de honte se lit presque comme une poésie du fait des jeux de
sonorités et du rythme binaire.
Huit motifs d’honneur, huits motifs de honte (« Barong bachi »)
Aimer le pays ; n’y faire aucun mal.
Servir le pays ; ne pas trahir le peuple.
Suivre la science ; l’ignorance est un défaut.
Être diligent ; pas nonchalant.
Être unis, s’entraider ; ne pas chercher son intérêt aux dépens d’autrui.
Être honnête et fidèle ; ne pas oublier l’éthique pour les profits.
Être discipliné et respectueux des lois ; ne pas entraver l’ordre public.
Être capable de faire face à l’adversité ; ne pas se complaire dans le luxe
et le plaisir.
Convention de la civilisation pour les citoyens de Pékin
Aimer le pays, aimer Pékin, vivre en harmonie avec toutes les nations,
maintenir la stabilité.
Aimer le travail, aimer son poste, se consacrer à son travail, être
honnête et digne de foi,
économe et travailleur.
Respecter la loi et l’ordre public, agir courageusement pour la justice,
encourager l’honnêteté.
Embellir la ville, être propre, rendre la capitale écologique, protéger
l’environnement.
Prendre soin de la collectivité, respecter les biens publics, suivre
l’intérêt collectif, protéger le
patrimoine.
Respecter la science, mettre l’accent sur l’éducation, repecter les
enseignants, améliorer ses
compétences.
Respecter les vieux, aimer les enfants, aimer le peuple, soutenir l’armée,
respecter les femmes,
aider les pauvres, aider les invalides.
S’adapter aux coutumes, avoir une vie saine, suivre le planning familial,
entretenir son corps.
Se comporter de manière citoyenne, traiter les invités poliment, être
généreux, prendre du plaisir à aider autrui.
«Construire un nouveau village, s’efforcer d’être un foyer civilisé, être toujours un homme civilisé.»
Village de Caojialu (district de Miyun, banlieue de Pékin). 2 300 habitants.
Village de Caojialu
affiche de 2 m. sur 1,20 m.
«L’aménagement général du village est l’affaire de tous, chaque famille en profite.»