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Gérard de Nerval

Gérard de Nerval

Gérard de Nerval
Mis en ligne le samedi 1er mars 2008 ; mis à jour le jeudi 29 mai 2008.

Publié dans le numéro VIII (mars-avril 2008)

1808. Gérard Labrunie naît. Il joue dans le clos de Nerval, un champ appartenant à son grand-père. A six ans, il tombe dans une rivière ; sa montre périt. Il danse avec une petite fille du hameau voisin, blonde, grande, grasse, belle. Il crie Racine est un polisson ! à la Comédie-Française et rime en -goth à la mode Wisigoths : escargoth, berlingoth, marigoth, argoth, Victor Hugoth... Dans son nouvel appartement parisien, ses amis peintres peignent qui une Bacchante tenant en laisse des tigres, qui un moine rouge lisant la Bible sur la hanche d’une femme nue. Nerval achète un splendide lit Renaissance pour y coucher son imagination, cependant que lui dort par terre. Nerval voyage dans les Flandres avec Théophile Gautier : il marche très vite, comme une autruche, Gautier bien loin derrière en soufflant comme un dogue qui a avalé une fourchette en léchant un chaudron. Nerval dit au soleil couchant : Bonne nuit, mon vieux, à demain. Entré chez un antiquaire avec 1200 francs, il en ressort avec 1000 francs de dettes, des meubles et une veste à la mode. Nerval raconte aux enfants d’Alexandre Dumas l’histoire du Roi des taupes. Nerval croise une énième blonde au nez aquilin et au col de pigeon gros et gras.

1841 : Première crise de folie. Nerval promène un homard vivant au bout d’un ruban bleu dans les jardins du Palais-Royal.

1843 : Nerval voyage en Egypte. Il a emporté un appareil de daguerréotypie. Au Caire, Nerval s’achète un manteau en poil de chameau, une esclave javanaise de dix-huit ans et une basse-cour. Retour en Europe. Ayant coincé un pan de sa redingote dans les battants d’une porte cochère, Nerval fait semblant d’être adossé et de lire un petit agenda. Nerval préface Les Ballons, histoire de la locomotion aérienne de Félix Tournachon dit Nadar. Place du Carroussel à Paris, chaque matin, Nerval converse avec les perroquets des heures entières. Il leur apporte parfois des cerises. Le kakatoès, pour le remercier, prend une posture acrobatique.

1853, l’année de la folie, Nerval se dit : Je me dis : la nuit éternelle commence, et elle va être terrible. Que va-t-il arriver quand les hommes s’apercevront qu’il n’y a plus de soleil ? Il confond un facteur avec Jean de Bourgogne. Observe les ébats de l’hippopotame du Jardin des Plantes, à qui il jette son chapeau en pâture. Mais Nerval voyage : on ne me trouve pas fou en Allemagne. De retour, lors d’un séjour volontaire à la clinique du docteur Blanche, il est torturé par les infirmiers. Nerval s’enfuit. S’habille en chemise dans le grand froid tonifiant, car les Lapons ne sont jamais malades.

Le 24 janvier 1855, il écrit : Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche. Nerval, quarante-sept ans, est retrouvé pendu dans une ruelle. Son squelette, exhumé en 1867 suite à l’expiration de la concession décennale de l’emplacement, fut replacé dans un cercueil d’enfant, au Père-Lachaise. On a oublié de graver son nom sur la tombe.


 

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