Mis en ligne le mardi 27 mai 2008 ; mis à jour le mardi 6 mai 2008.
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Publié dans le
numéro IX (mai-juin 2008)
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Le 22 mai
1176, il y a tout juste 832 ans, aux premières lueurs de l’aube, assis
devant
sa tente et entouré de ses plus fidèles ministres, Salah al-Din Yusuf
Ibn
Ayyub, plus connu sous le nom de Salaheddine – un patronyme que
l’on
simplifia en « Saladin », abréviation qui obtint un succès encore
meilleur – n’en revenait toujours pas d’être sorti indemne de
l’attentat dont
il avait été la cible. Au milieu de la nuit, alors qu’il dormait et
rêvait
paisiblement de sa glorieuse campagne d’Alep, un criminel perfide et
veule
s’était immiscé dans sa tente et sans avant-propos aucun lui avait
asséné à la
tête d’énergiques coups de poignard. Vitement instruit que ses coups ne
portaient pas comme il l’entendait, l’étrange assassin visa ensuite
d’une
vigueur plus accrue et de façon chronique la saladine carotide du
sultan. Un
général du grand Kurde, alerté par les bruits insistants et
inhabituels, osa
entrer dans la tente de son maître sans en attendre la permission et,
s’étant
saisi d’une main de l’arme de l’assassin, lui enfonça de l’autre une
dague dans
la poitrine. L’agresseur n’était pas encore à terre que deux autres
surgirent
sur Saladin qui tentait quant à lui d’apprécier de façon plus nette une
situation qui lui paraissait par trop baroque. Asséné de coups, le
sultan
croulait, ployait, mais ne succombait pas ; et la bestialité des
assassins
de finalement trouver sa conclusion lorsque la loyale garde du sultan
mit un
terme définitif au lamentable jeu, morcelant en plusieurs parts les
antipathiques. On apprit plus tard que ceux qui avaient osé porter
atteinte à
la vie de Saladin étaient de fameux sectaires qui officiaient
sous le nom d’Assassins, épithète mystérieux
qui d’après un savant illustre semble être né de la corruption du mot hachichin,
nom donné à des Ismaéliens qui faisaient usage d’une liqueur enivrante
à base
de quelques parties du végétal que l’on nomme chez nous le chanvre,
et
dont l’appellation exotique se rapproche du mot hachich. Cette
déplorable tradition plaçait ceux qui l’adoptaient dans des états de
délire
tels que, si elle su offrir un peu de souffle à quelques-uns de nos
tristes
poètes en mal d’inspiration, fournissait surtout aux actions brutales
de
certains exaltés le courage qui manquait à leur héroïsme. Mais ce
n’était pas
évaluer les effets secondaires de la pernicieuse substance ; car sous
la
coupelle du toxique l’Assassin ne savait nullement voir ni
comprendre
que le grand Saladin, lorsqu’il se couchait, enfilait toujours pour la
nuit une
coiffe et une tunique renforcées de mailles.