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Dans l’arrière-boutique des cabinets ministériels

Dans l’arrière-boutique des cabinets ministériels

Dans l'arrière-boutique des cabinets ministériels
Mis en ligne le mardi 15 mars 2011.

Publié dans le numéro 002 (Février 2011)


À moins de quarante ans, ils sont tous les trois anciens conseillers dans des cabinets ministériels. Lucie était à Matignon sous Jospin, jusqu’en 2002. Marc dans un ministère technique, de 2007 à 2009. Philippe dans un ministère social entre 2007 et 2010. Les prénoms et certaines données ont été modifiés, afin de préserver l’anonymat des personnes interrogées.
Propos recueillis par Raphaël Meltz.

 

Lucie ― Moi, je ne suis pas énarque, j’ai grandi en province, j’étais au PS depuis mes seize ans, j’étais syndicaliste étudiante, à l’UNEF-ID... Quand je suis arrivée à Matignon, ça m’a fait un choc culturel. Parce que j’étais entourée d’énarques de très haut rang, qui étaient en fin de carrière ou au top de leur carrière administrative. Il y avait beaucoup de fils de fonctionnaires et hauts-fonctionnaires. Moi, je suis fille d’immigré italien, donc voilà. Ça m’a beaucoup amusée, ce côté-là. J’ai amené mon père à Matignon : mon père, il n’écrivait pas le français... Donc, pour le coup, la République... tout ça, avait beaucoup de sens.

Vous étiez nombreux dans ce cas-là ?

Lucie ― J’avais un copain, un conseiller de haut rang, son père était à la chaîne chez Renault. Je crois qu’on était trois ou quatre à être de milieux modestes. Sur cinquante. Je ne sais pas, je les connaissais pas tous, peut-être que dans le cabinet militaire, les amiraux, les généraux étaient issus de milieux modestes, je n’en sais rien, mais il y a quand même des choses qu’on sent. Et ça, ça m’a beaucoup amusée, et je n’en ai absolument pas souffert parce que j’ai été extrêmement bien accueillie. Mais, quand même, je n’avais pas les mêmes codes. En terme de langage, je me disais : « C’est marrant, ils ont tous les mêmes expressions », et je me suis aperçu que c’était des expressions d’énarques, les « éléments de langage », « ce n’est pas un sujet » pour dire que quelque chose n’est pas intéressant, « ce n’est vraiment pas un sujet »... Au début j’ai noté toutes les phrases dont je me disais : « Tiens c’est marrant, ils disent tous la même chose, ça doit venir de quelque part. »

Il n’y a pas eu de désillusion, par rapport à ton parcours précédent de militante du Parti socialiste ?

Lucie ― Pas du tout. Parce que j’ai été hyper bien accueillie, par des gens très curieux. J’ai trouvé que les gens étaient plus cyniques chez les colleurs d’affiches qu’à Matignon.

Marc ― On dit toujours que les technocrates sont des gentils, des candides, par rapport aux partis.

Lucie ― Oui, dans les partis, c’est beaucoup plus violent.

Philippe ― Quand tu es à Matignon, tu es animé par un projet, tu as à cœur de faire avancer ton truc, donc t’es pas hyper cynique, parce que tu crois à ce que tu fais.

Marc ― Et puis, sociologiquement, tu es le bon élève.

Lucie ― Oui, les gens sont très policés. Les politiques font des coups de vache, à côté.

Il n’y a pas de perversité, de mauvais coups ?

Lucie ― De la perversité, non. Les gens font leur travail, quoi.

Marc ― Enfin, au niveau des dir’cab’, ils se font des coups de vache.

Philippe ― Ils se font des crasses, oui.

Lucie ― Chacun porte les intérêts de son ministre. Il y a des jeux de pouvoir.

Marc ― L’allégeance à l’homme politique, elle te conduit à faire des crasses. Au sein de la même tendance politique, il y a plein d’inimitiés, les gens des cabinets peuvent très bien se dire : « On va faire un sale coup à tel ministre » La différence aussi entre technocrates et politiques c’est que les politiques se connaissent souvent depuis longtemps, ils ont une histoire commune, il y a eu des journées parlementaires où les gens ont fricoté, tu sens que c’est un milieu presque incestueux par moment. Et donc il y a plein de petites rancœurs, de petites haines que tu ne calcules pas du tout quand tu es du côté technique, et qui orientent les stratégies et les décisions des uns et des autres.

(aux deux garçons) Vous deux, vous étiez des conseillers techniques, donc finalement votre sensibilité politique ne jouait pas ?

Marc ― Dans mon cabinet, la plupart des conseillers techniques étaient des gens apolitiques, et il y avait aussi des gens de gauche, marqués.

Lucie ― Ah bon ?

Marc ― Oui, des gens qui étaient sur le technique. Parce que, au fond, tu as l’impression que tu es un peu comme une super administration, que tu vas pouvoir faire avancer tes idées, etc. Et puis c’est des sujets sur lesquels il n’y a pas forcément un clivage politique fort, en tout cas dans le ministère où j’étais, qui est lui-même très technique. Quand tu es à l’immigration et l’identité nationale, si tu n’as pas d’adhésion avec le ministre, c’est plus difficile. Quoiqu’il y en a pour qui c’est indolore ; ils ne se posent pas la question parce qu’ils ont tellement envie de faire du cabinet, c’est un tel accélérateur de carrière...

Philippe ― Quand tu cherches un mec qui va s’occuper de la régulation des transports, tu ne cherches pas un mec qui a le curriculum UMP, tu cherches un mec qui sait comment ça marche à peu près. Donc tu appelles le directeur de l’administration compétente et tu demandes « est-ce qu’il n’y a pas un jeune gars qui pourrait faire l’affaire ? ». C’est souvent comme ça que ça se passe. Les directeurs d’administration centrale se font taxer : on leur dit : « On va prendre le chef du bureau truc », et ils répondent : « Ça me fait chier parce qu’il vient d’arriver, il nous rend service. » Et en même temps il se disent : « Si j’ai un relais au cabinet c’est pas si mal que ça. » Mais ce n’est pas comme ça que tu recrutes un dir’cab’, un dir’cab’ adjoint, un conseiller parlementaire, ça c’est sûr que non !

 

Vous êtes tous des cerveaux, énarques ou non, habitués à aller vite : là dans cet entretien vous parlez à toute allure, on sent que c’est une façon d’être. Est-ce qu’au bout d’un moment ça ne crée pas une façon de travailler, de se comprendre, et que vous finissez par être persuadés que vous avez raison et que les autres sont des cons ?

Lucie ― Quand on a perdu, en 2002, là je me suis rendu compte du décalage. On pensait bien faire, et que c’était ressenti, et au final on n’était pas au deuxième tour parce que les gens n’avaient pas perçu. Je pense qu’au bout d’un moment il faut partir, parce qu’à la fin on est décalés. C’est très Matignon, ça... On est vraiment dans une bulle. Le matin, on vient vous chercher en voiture, ça a un sens, moi je n’ai fait que bosser, j’avais trois baby-sitters. Une à quatre heure et demie, une à partir de vingt heures, et puis quand j’étais de permanence de nuit, une troisième. Ma fille, elle a appris à lire, et je n’ai même pas vu qu’elle savait lire... On travaille tout le temps, au bout d’un moment la fatigue s’installe, on perd de son acuité, on voit moins ses copains, on parle moins, je n’allais plus du tout au PS, je ne voyais pas non plus de militants, et à la fin j’étais déconnectée. Et quand ça s’est arrêté hyper brutalement, on s’est retrouvés dans la cour, on est allés rue de Varenne au café, je ne savais plus comment je m’appelais.

Philippe ― Faut voir qu’à Matignon, rue de Varenne, tout le monde vient te voir, tu ne sors jamais. Pour les ministères, c’est : on ne veut pas être trop loin de la rue de Varenne pour pouvoir y aller. Tu restes toujours rue de Varenne. Et la cantoche est hyper-bonne.

Lucie ― Oui, la salle à manger, c’est super-bon, on dort aussi là-bas alternativement pour des permanences, donc au bout d’un moment c’était mon monde.

Marc ― Il y a un petit côté vase clos.

(aux deux garçons) Mais pour vous, c’est pareil, non ? Tu as beau sortir faire des réunions, à un moment tu rentres dans ton bureau, et puis voilà, tu es déconnecté.

Marc ― On avait souvent l’impression que Matignon et l’Élysée ils étaient encore beaucoup plus loin de la vraie vie que dans les ministères.

Lucie ― Parce que les gens ne leur parlent plus.

Marc ― Dans les ministères, tu vas voir des gens, tu vas sur le terrain. Comme c’est ton boulot d’aller comprendre comment fonctionne le monde, sur ton sujet, il est légitime que tu ailles sur le terrain. À Matignon, tu es simplement censé rendre des arbitrages entre des structures ministérielles. Donc tu n’as pas le droit d’aller au contact directement.

Lucie ― Je me souviens d’avoir assisté à des réunions parlementaires, hyper violentes, notamment sur Jospin. Avec le conseiller parlementaire, on avait fait remonter qu’il fallait faire très vite des réunions avec les députés, parce qu’ils criaient beaucoup. Donc on organise un truc avec les députés, et j’ai un souvenir cinglant de ce truc-là. Ils étaient sept ou huit, en rond, et Jospin leur dit : « Alors je vous écoute, parce qu’il paraît que... ». Et il n’y en a pas un qui a moufté. Ces mecs, je les avais vu gueuler deux jours avant comme des putois : « On ne nous entend pas, on fait n’importe quoi », et là les mecs ils étaient soudain comme ça (signe : muets). Je pense que pour Jospin ça a été violentissime : tu ne passes même pas au second tour, là tu te dis : « Qu’est-ce qui s’est passé, depuis cinq ans tout le monde me dit que c’est vachement bien ce qu’on fait. »

Est-ce que le fait d’être au cœur du pouvoir, ça ne change pas sa vision du monde ?

Marc ― Je pense que c’est bien de ne pas y rester longtemps...

Philippe ― Tu n’as pas tellement de pouvoir. Tu côtoies des gens qui ont du pouvoir, c’est différent. Tu es dedans, c’est vrai, c’est excitant, mais tu n’as pas le pouvoir.

Marc ― Tu as la griserie, les ors de la République.

Lucie ― Moi je ne trouvais pas ça très excitant, les ors de la République ça ne me touchait absolument pas.

Philippe ― Parce que tu es une femme... (rires)

Marc ― C’est vrai qu’il y a peut-être un truc un peu testorénique.

Lucie ― Je n’étais pas dans un cabinet qui était très comme ça.

Philippe ― (ironique) Plutôt austère, quoi.

Lucie ― Oui, un peu ça.

Marc ― Mais tu as la griserie qui est celle de l’enthousiasme. C’est-à-dire que tu n’as que des gens ultra-dévoués, qui bossent comme des chiens...

Philippe ― Qui sont intelligents...

Marc ― Oui, que des bons.

Lucie ― D’ailleurs, après, c’est vachement dur.

Marc ― Tout paraît médiocre. Et je pense que c’est pour ça que les gens ont du mal à quitter le petit monde de l’élite politico-médiatico-industrialo-parisienne...

Philippe ― Faut voir que tu es avec des gens brillants, qui ont du recul et tout, de l’humour, ça va vite, c’est comme dans West Wing [1], tac, tac.

Marc ― Oui, c’est pas seulement des gens brillants, c’est aussi des gens qui ont du recul sur eux-mêmes.

Philippe ― Quand tu vois des gens qui ont des boulots normaux, pas en cabinet, eh bien ils n’arrêtent pas de se plaindre de leur entourage professionnel. Alors que quand tu es en cabinet, putain, t’as le truc.

Marc ― Il y avait un autre plaisir que j’avais, moi, je ne sais pas si vous l’aviez, c’était de rencontrer des personnages balzaciens, un peu ogresques, très gourmands de la vie, avec une volonté, une ténacité. Dans une époque un peu désenchantée, des mecs qui n’ont aucun scrupule, qui ont une gourmandise... Pas forcément des hommes politiques, ça peut être des directeurs de cabinets, des conseillers... Et c’est des personnages dont tu te dis : « Je suis dans un beau roman, là. » Dans les autres boulots, tout le monde est un peu... aseptisé.

Lucie ― C’est très stimulant intellectuellement, il y a beaucoup d’adrénaline, etc. Après, c’est vrai que le reste est assez fade.

Philippe ― C’est vrai.

Lucie ― J’aurais bien aimé que ce soit mon dernier boulot.

Marc ― Moi je n’aurais pas aimé que ce soit mon dernier boulot, parce que ça a un côté extrêmement frustrant.

Philippe ― Je suis d’accord avec elle. Moi aussi, je me dis souvent : « Putain, c’était l’apogée de ma carrière. » Et j’avais trente ans... Bon, bah, O.K., qu’est-ce qu’on va faire après ? Là, ça va, je survis...

Lucie ― Mais c’est difficile...

Philippe ― En termes d’intensité, j’étais à l’apogée de mon truc. C’était top ! Je ne regrette pas de ne pas l’avoir fait plus tard, parce que c’était le moment pour le faire, j’étais disponible pour ça, j’avais l’énergie, putain c’était trop le top.

Marc ― C’est marrant, moi je ne vois pas du tout les choses comme ça. J’ai été aussi très sensible à cette griserie-là, mais le côté factice m’a très vite frappé. Tu est grisé, parce que tout le monde autour est grisé. Et à un moment tu te demandes : est-ce qu’on n’est pas tous en train de s’exciter sur un truc qui n’a pas lieu d’être ? Et ensuite tu t’interroges : est-ce que c’est vraiment le sujet sur lequel j’ai envie de donner mes heures, mon temps, ma santé ?

Lucie ― Ça passe avant tout, c’est vrai. Il y avait une nana qui bossait tous les jours jusqu’à deux heures du matin.

Marc ― Mais il y a des gens qui aiment travailler tard parce que ça leur donne de l’importance ! Moi j’adorais partir tous les soirs à 19h30, et passer devant tous les bureaux en me demandant : « Est-ce que vous n’êtes pas en train de rester tard parce que vous êtes en train de vous regarder rester tard ? »

Lucie ― Non, la fille en question, elle avait des dossiers très lourds, elle ne restait pas pour rester. Je pense que j’ai eu de la chance, parce que j’étais dans un cabinet hyper-serein, hyper-calme, on n’avait pas le droit de dire n’importe quoi les uns sur les autres, du coup c’était élégant, on ne s’excitait pas en se disant : « On est les meilleurs. » On était portés par ce qu’on essayait de faire.

Marc ― Je ne suis pas d’accord avec toi. Tu ne peux pas conscientiser ça. Tu ne peux pas te retrouver dans une réunion à dix et dire : « Eh les gars, on n’est pas en train de s’exciter parce qu’on est en train de se dire qu’on est en train d’être excités ? »...

Philippe ― Sauf que quand t’es à l’Assemblée, que c’est ta loi, que tu l’as portée pendant des mois, et qu’elle passe là, putain, que c’est terminé, que les mecs ils ont voté, que dans la cour, tu dis : « C’est ce soir qu’on l’a fait, dans quinze jours c’est le Sénat, mais là on l’a fait », putain c’est cool ! T’as l’adrénaline qui bat dans tes veines.

Marc ― Je ne dis pas que tout est factice... Je dis qu’il y a une part de factice.

Lucie ― C’est l’excitation collective. Mais elle existe plus quand on porte un projet particulier qu’à Matignon, où tout est plus distant parce qu’on ne descend pas dans l’arène. On n’a pas les mains dans le truc.

Marc ― C’est aussi parce que tu as un système autour de toi. Un ministre, en Suède, il prend le métro. Un ministre, en France, il a douze gardes du corps, quatorze bagnoles. Quand tu es conseiller technique en cabinet, tu es servi dans des couverts en argent par des serveurs en gants blancs, tu as des chauffeurs, tu es dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle, et puis il y a toute la représentation sur ce qu’est un cabinet. Tout ça, ça contribue à alimenter...

Lucie ― Si tu es dans une bagnole, avec un chauffeur, tu peux travailler. Si tu prends le métro, tu ne peux pas lire ton dossier, passer des coups de fil.

Marc ― Mais Lucie, ça peut être aussi contre-productif d’être tout le temps à bloc.

Prendre le métro, ça peut être bien aussi parce qu’on voit des gens. On voit des humains. (long silence) Vous me regardez comme si j’étais fou...

Lucie ― C’est caricatural.

Philippe ― Oui, oui, c’est caricatural.

(ironique) Ça y est, vous êtes passés de l’autre côté de la barrière...

Lucie ― Si, si, c’est caricatural de dire que tu connais les gens parce que tu prends le métro... Et puis tu prends le métro le week-end (rires).

Marc ― Moi, je trouve qu’on en fait trop sur la sacralisation du pouvoir.

Lucie ― C’était beau, ton ministère ? Parce que Matignon, c’est moche.

Philippe ― Ce n’est pas non plus...

Marc ― Attends, Matignon, c’est le plus grand jardin de la rive gauche...

Lucie ― Oui, le seul truc qui est chouette, c’est le jardin...

Marc ― Attends, tu as sept mètres de hauteur sous plafond...

Philippe ― La bibliothèque du SGG, attends, quand même !

La quoi ?

Philippe ― Il y a un cérémonial particulier à Matignon : la réunion de relecture d’un texte de loi dans la bibliothèque du SGG, Secrétariat général du gouvernement. Alors, c’est beaucoup trop petit, et juste le texte est relu là. Ce n’est plus politique, mais tu y vas, et là c’est présidé par le SGG lui-même, le secrétaire du gouvernement, ou un de ses adjoints. Et là, sur la période récente, les SGG étaient des gens magiques. Les gars, ils te font un cours de droit constitutionnel ou de droit administratif.

Marc ― Ils sont brillantissimes... C’est beau...

Philippe ― C’est une mise en perspective, et là tu es cassé, tu te dis : « Ah d’accord... » Et tout ça dans cette salle qui est trop petite mais comme c’est la bibliothèque du SGG... C’est drôle, d’ailleurs, parce que la salle d’attente est immense, et la bibliothèque est toute petite.

Marc ― C’est vrai que la salle d’attente est incroyable...

On parlait de la quantité de travail. Est-ce que quand on a des enfants, ce n’est pas un problème ?

Philippe ― À Matignon, il y avait un conseiller technique hyper sympa, qui avait quatre enfants. Quatre enfants, c’est pas rien. On se réunissait régulièrement, à l’Élysée pour le coup parce que changement de régime... Très bonne cantine d’ailleurs.

Marc ― Oui, très bonne cantine.

Philippe ― Moi j’aime bien les nuggets de poulet à la truffe. Vraiment très bons... Donc, ce conseiller, j’ai parlé avec lui, au moment où j’allais avoir mon enfant. Lui ses enfants il ne les voit jamais, c’est sa femme qui s’en occupe, il connaît à peine les prénoms des quatre, j’exagère, il les adore, mais il les voit très peu et ça lui va très bien comme ça, il ne voit pas ça comme un sacrifice.

Lucie ― Moi, j’en ai pleuré. Pour moi, c’était une lutte permanente entre ce que je voulais être comme mère, ce que je ratais, et que je n’ai pas rattrapé. Pour les gamins, je pense que c’est dur. Moi, en tant que femme, en plus divorcée, j’en ai horriblement souffert. Cela dit, c’est un truc que tu retrouves dans d’autres boulots.

Oui, mais là on te vend l’idée de l’intérêt général.

Lucie ― On ne te le vend pas, moi je l’avais en tête. À la rigueur, tu arbitres entre des choses qui sont assez nobles. Alors qu’aujourd’hui, quand je bosse beaucoup, ça m’emmerde, de rater des trucs avec ma fille. À l’époque, j’étais vraiment portée par un truc...

Philippe ― Dans mon cabinet, il y avait plein de gens qui avaient des enfants. On avait une directrice de cabinet, jeune sympa ― ça change du côté vieux dir’cab’ préfet ― avec trois enfants. On avait une autre conseillère avec deux ou trois enfants, des petits. La directrice de cabinet, elle contingentait vachement. L’autre conseillère, elle bossait comme une pute (rires), je ne sais pas comment elle faisait, elle s’arrangeait avec son mari. Mais elle appelait tout le temps ses gamins pour faire le point, « ça s’est passé comment à l’école ? ». Ça faisait au final une ambiance très famille.

Lucie ― Le Noël de Matignon, les gamins viennent... Ma fille se souvient encore d’avoir vu Jospin ― d’ailleurs elle lui avait demandé : « Tu es LE Lionel Jospin ? », il était un peu surpris. Et finalement aujourd’hui elle me dit qu’elle préfère le métier que je faisais avant, alors qu’elle ne me voyait quasiment pas, que celui que je fais aujourd’hui.

Philippe ― Ils sont fiers...

Lucie ― Elle l’a complètement positivé. Je sortais du Sénat par la porte de derrière, et la baby-sitter l’emmenait jouer au jardin du Luxembourg. Donc je prenais cinq minutes pour rester avec elle, et je repartais avec les larmes aux yeux. C’est violent, très violent.

À l’Assemblée, en plus, il y a des séances de nuit...

Philippe ― On parle des ors de la République, dans les ministères finalement c’est un peu rasoir, il n’y a pas grand-chose, par contre l’Assemblée et le Sénat, ça a vraiment de la gueule. Le décorum, les huissiers... En particulier le Sénat, alors que ce n’est pas très marrant. Les parlementaires, c’est des bons vivants ! Et ça, c’est agréable. Bon, alors, c’est quoi les bons plans ? Au Sénat, c’est le financier, un très bon financier.

Marc ― Très bon, il est connu.

Lucie ― La bouffe au Sénat, c’est monstrueux...

Philippe ― Oui, on s’éclate le bide au restaurant. C’est le grand truc : tu fais la séance de nuit, tu as une interruption, et la conseillère parlementaire fait passer des billets à tous les sénateurs, « rendez-vous au restaurant ».

Lucie ― « On se voit bien tout à l’heure ? »

Philippe ― C’est un peu surréel, tu passes ta soirée avec la vieille rombière... « Ah oui, et vous êtes sénatrice de... ? Ah, c’est où ça ? C’est génial... » Le Sénat, j’adore, tu arrives en voiture, tu te gares, tu prends un petit couloir, un escalier qui monte, et tu arrives dans le Salon des Ambassadeurs, je crois que ça s’appelle le grand hall... Putain, à chaque fois ça me fait le même effet... J’ai fait rentrer ma sœur et mon neveu là-bas, c’est juste gue-din. Bon, l’Assemblée, c’est plus marrant parce que c’est le cœur du pouvoir, alors que le Sénat...

Lucie ― Ah, le Sénat...

Philippe ― C’est une farce. Ils sont très très loin, c’est le seigle et la châtaigne, comme on dit, la France rurale. Alors que l’Assemblée, c’est le vrai truc, tu reconnais ce que tu vois à la télé, les pas perdus, les trucs en velours, quand tu es au banc tu te dis : « Putain, je suis au banc, c’est cool »... Là pour le coup tu as l’adrénaline. Il y a tous les artifices du débat parlementaire, je te fais passer l’amendement, je te prépare la réponse, tu poses la question au bon moment... C’est assez rigolo, surtout quand tout ça finit par aboutir à une réforme que tu souhaites. Et il y a le côté bon vivant. La buvette, avec tout son décorum. Les personnels qui sont affectés là ça sont mythiques. Les mecs sont là depuis toujours, ils connaissent les gens par cœur, c’est des trucs qui n’existent plus. C’est le mec qui devait faire le service à la Coupole il y a trente ans, le majordome du bistrot parisien à l’ancienne, le vrai ! Qui te parle, qui parle au ministre, à la femme de chambre pareil, trop bien, hyper à l’aise.

Lucie ― Et qui sait tout !

Philippe ― Tu lui demandes : « Ça va finir à quelle heure ? », « Ouh là il y a cinquante-six amendements, bon ça fait du deux heures du matin. » C’est lui qui le sait le mieux. Ils sont quatre ou cinq comme ça.

Lucie ― C’est une ville, l’Assemblée, il y a une poste, il y a tout.

Philippe ― Après il y a les trucs anti-parlementaires mais qui sont vrais. Gremetz, avec son cigare, qui fraternise avec les députés de droite, oui O.K., c’est vrai. Et tu n’as pas le droit de t’asseoir parce que tu n’es pas parlementaire, donc tu manges au comptoir, alors que lui est bien assis... Bon après tout c’est comme ça. Alors le vin qu’il faut boire, c’est le Haut-Marbuzet. Il est hyper-bon. Et là, quand tu connais, tu vas voir le gars, tu dis : « J’aimerais un verre d’Haut-Marbuzet », alors le serveur il sait que tu sais qu’il faut commander ça, donc il ne te prend pas pour un con.

Ce que tu racontes là, ça remet en question ce que le grand public sait de la politique. Là, vous buvez des coups tous ensemble...

Lucie ― Mais c’est une pause, là... Tu sors, les clivages reprennent le dessus.

Philippe ― C’est les vestiaires, quoi. Après il y a le côté détente : quand tu as passé une grosse séance de nuit, que ça se finit à deux heures du matin, que la loi est votée... Avec ***, le rapporteur de notre loi [2], on a fait un peu la fête, le serveur nous a sorti une vieille prune, c’était vraiment sympa.

Marc ― Il y a aussi les questions au gouvernement, le mardi et le mercredi. C’est toujours un moment d’adrénaline dans les cabinets, parce qu’en fin de matinée tu as la question, et ton ministre il est au banc à 15h. Et c’est le rush.

Lucie ― Tout s’arrête, et tout tourne autour de ça.

Marc ― Moi une fois j’avais fait la connerie d’aller chez le docteur...

Lucie ― Le fou !

Marc ― Je me retrouve chez le docteur, avec ma conseillère parlementaire au téléphone en lui expliquant ce que le ministre devait dire. Je me suis fait engueuler parce qu’elle a dû écrire le texte.

Lucie ― Souvent, les conseillers techniques écrivent le texte, et ceux qui sont politiques sont là pour dire : « On ne peut absolument pas dire ça parce que ça va allumer le feu. »

Marc ― Le [conseiller] technique, il est censé connaître le sujet, et en même temps avoir une première appréciation des enjeux politiques derrière, pour que le ministre puisse le lire sans que la conseillère parlementaire doive tout caviarder parce que le mec n’a pas du tout compris les enjeux politiques qui sont dans la question. Parce qu’en plus tu es face aux médias. Souvent la question tu l’as vue venir, tu as vu un truc dans la presse la veille ou l’avant-veille, tu sais que ça va faire du buzz, et tu te dis : « Là il va y avoir un parlementaire qui va interroger le ministre là-dessus. »

Philippe ― (qui s’était absenté) Ah les questions parlementaires, qu’est-ce que c’est chiant à faire...

Marc ― En même temps je trouve que c’est un des meilleurs exercices de la démocratie.

Philippe ― Alors tu peux aussi les calculer. Tu vas voir le député pour qu’il te pose la question.

Lucie ― Ah oui, souvent.

Philippe ― C’est scénarisé. « Il faut qu’on s’explique là-dessus » : bon, il faut trouver un député qui pose la question.

Marc ― Tu as les questions téléguidées, posées par la majorité, et les autres, posées par l’opposition.

Lucie ― Oui, quand une question est téléphonée, ça fait rire tout le monde.

Marc ― Ça reste un exercice un peu formel, finalement assez codifié. Pour moi les moments où il y a le plus d’adrénaline et de stress pur dans les cabinets, c’est dans les relations avec la presse. Tout le monde est un peu tétanisé. Quand un journaliste appelle, qu’il pose des questions, et qu’il dit : « Je veux des réponses sur tel sujet », et quand c’est Le Canard Enchaîné, là tu sens tout d’un coup que ça se tend. Tu as cinq personnes sur le dos qui relisent ce que tu réponds. Parce que c’est imprévisible... Alors qu’à l’Assemblée, c’est des gens avec qui tu as des relations tout le temps. Quand c’est la majorité, tu les connais, et quand c’est l’opposition, tu...

Philippe ― Tu t’en fous, quand c’est l’opposition !

Marc ― Non, je ne suis pas d’accord. Parce que c’est médiatisé. C’est pas forcément un petit élu local qui va poser sa question, ça peut être qu’il y a un buzz et qu’il va lancer son scud. C’est une question à Woerth pour l’affaire Bettencourt. Quand c’est une question technique, tu réponds et tu enfumes, enfin tu fais de la logorrhée, quoi. Mais si c’est une question très très politique, c’est un peu comme les relations avec les journalistes, tout le système se crispe. Alors, c’est aussi les moments les plus rigolos. Les relations avec la presse... 

Philippe ― Ça compte encore. Les mecs, tous les matins, ils lisent de A à Z tous les quotidiens, les hebdos, ils s’envoient des textos : « Tu as vu machin », « Tu as lu le confidentiel dans L’Express, c’est super », « J’ai vu que tu avais dit ça sur moi, c’est vachement bien », et ça, ça prend toute la matinée.

On n’a pas parlé cul... Il y a un enjeu, là aussi, non ?

Philippe ― Oui, carrément.

Marc ― J’ai été très déçu, là-dessus...

Lucie ― C’est comme tous les boulots... Les boulots intenses. Ce n’est pas un élément saillant...

Marc ― Par rapport à l’image que je m’en faisais, ce n’était pas du tout ça...

Tu n’étais peut-être pas dans les bons coups ? (rires)

Lucie ― En revanche, à l’Assemblée, oui : les gens sont là deux ou trois jours par semaine...

Philippe ― Si tu vas bouffer chez Françoise, le restaurant qui est sous l’ancienne gare des Invalides, les députés sont tous là avec leur poule.

Lucie ― Quand tu es là la moitié de la semaine à Paris, tu fais la teuf. Mais dans les cabinets, pas tant que ça, pas plus que dans un boulot normal.

Marc ― En fait c’est très polarisé par les hommes politiques qui ont une libido incroyable et qui, eux, baisent.

Lucie ― Oui, ils captent tout.

Marc ― C’était le seul moyen que j’avais pour attirer l’attention de l’homme politique : discuter avec une jolie fille. Par exemple dans une réunion avec une délégation diplomatique. Il te voit à l’autre bout de la salle, il a plein de mecs autour de lui qui le font chier, il vient vers toi. Après, il l’embarque et tu restes tout seul. Mais tu as eu le temps de lui faire passer ton message.

Lucie ― Oui, tu te fais vachement draguer. Moi, j’étais obligé de mettre un frein. Parce qu’on te propose tout le temps de dîner. Les députés, les sénateurs...

Marc ― Ce qui est marrant, c’est les députés qui sont réputés pour être de l’autre côté de la barrière, et qui font la même chose avec les petits conseillers techniques...

Philippe ― En fait, c’est un boulot hyper intense, il y a une communauté de travail, les mecs sont loin de leur base par construction, parce qu’ils viennent de province, donc ça nique.

Marc ― Il y a aussi une idiosyncrasie. C’est souvent des mecs qui ont un relationnel très avenant, très très tactiles, tu sens que c’est des chauds, c’est des bouillants.

Philippe ― La ministre ***, par exemple, c’est une tarée... C’est une malade du cul.

Marc ― Philippe, tu es train de transformer cet entretien en une espèce de... Ne transforme pas Le Tigre en Voici  ! Franchement, on essaie d’avoir une discussion intéressante sur la République... (rires) Parle-nous d’un meurtre ! Et de la drogue !

Philippe ― (sérieux) J’ai pas trop vu ça, j’ai été un peu déçu...

Marc ― Non, mais sérieusement, je n’ai pas envie que ce discours, sous prétexte qu’il est putassier, soit sur-représenté. Tu ne baises pas en cabinet !

Philippe ― Dans ton cabinet !

Alors, sérieusement, la drogue ?

Lucie ― Jamais vu !

Marc ― Non, moi non plus, je n’ai rien vu. Et pourtant tu vois qu’on ne se censure pas...

Philippe ― Moi quand j’étais fonctionnaire et que j’allais au Parlement, j’ai vu des gars qui avaient l’air de consommer, mais une fois en cabinet, rien !

Marc ― La cocaïne est un grand mensonge parisien. Tout le monde te dit : « Il y en a partout », je n’en ai jamais vu.

Mais physiquement, comment vous faites pour tenir ?

Lucie ― C’est l’adrénaline. Ça m’a porté pendant quatre ans.

Philippe ― Oui, j’y crois vraiment.

Lucie ― Ça ne s’arrête jamais, tu es toujours porté par ton truc.

Marc ― Tu es toujours dans le cœur du cyclone.

Jamais malade, jamais de coups de mou ?

Lucie ― Si, des coups de mou, j’en ai eu. Fatiguée, crevée.

Marc ― En fait tu n’es jamais malade, mais le jour où tu es malade pendant l’année, tu es par terre pendant quatre jours, parce que t’es vraiment trop mal.

Lucie ― Le truc, c’est que tu ne peux pas merder non plus. Je me souviens d’une séance de nuit où j’étais très fatiguée. Je me suis demandée : « Est-ce que je fais la note ? », le compte-rendu que tu amènes à Matignon à quatre heures du matin. Il n’y a plus grand-monde, en fait, il faut aller voir l’huissier, débrancher l’alarme, mettre la note sur le bureau du Premier ministre, et puis repartir chez soi, et le matin il fallait que je sois là à 8h30. Je pleurais de fatigue, et je me suis vraiment demandé si j’allais le faire. Bon, finalement je l’ai fait. Je suis allée voir l’huissier, on a débranché l’alarme, et je l’ai déposée sur le bureau de Jospin. Parce que, si tu n’as pas fait ton job, il ouvre le journal le matin, il voit ce qui s’est passé la veille, mais il n’a pas ta note ! Donc, c’est épuisant, quand même.

Et là tu ne prends pas un truc pour tenir ?

Lucie ― Non, moi je n’ai jamais rien pris.

Marc ― Moi, j’ai trouvé que c’était un milieu beaucoup plus sage que l’image qu’on en a. Entre le sexe, la drogue...

Lucie ― Oui, c’est beaucoup plus sérieux... Les élus, c’est plutôt qu’ils picolent...

Marc ― Oui, le vin...

Lucie ― Le vin et la clope.

Philippe ― Et le cigare !

Et, au moment où on quitte ce boulot, est-ce qu’il y a un moment de déprime ?

Marc ― Moi, j’ai souhaité partir... J’avais l’impression d’avoir eu mon lot d’expériences, et j’avais envie d’autre chose...

Il n’y avait pas de drogue, pas de baise, à quoi bon rester... (rires)

Marc ― (ironique) Oui, de guerre lasse, j’ai fini par partir pour un milieu plus dépravé. Je suis rentré dans la mafia, et là je suis comblé ! (sérieux) En fait, on m’avait proposé un autre job et j’avais dit : « Non, je vais rester un peu en cabinet, et ensuite je reviendrais. » Quand j’ai eu mon premier enfant, je me suis dit que c’était le moment de partir... Et c’est ce que je disais tout à l’heure sur le sentiment du côté factice de l’excitation, je me suis dit que ça ne serait pas difficile de partir. Là où je dois admettre que je n’ai pas vraiment décroché, c’est qu’avec les gens avec qui j’étais, on s’appelle beaucoup, on rigole, ça restera une période assez particulière. Et je me dis que je le referai peut-être plus tard.

Philippe ― Après il y a un côté narcissique, parce que si tu es conseiller d’un ministre populaire, tu sais qu’on va vouloir te parler parce que tu travailles avec ce ministre.

Marc ― Ça c’est totalement à double tranchant. Je préférais mentir sur mon boulot...

Lucie ― Oui, c’est très chiant. Quand j’allais en vacances, je mentais, je disais que j’étais prof d’anglais.

Philippe ― Ah oui ? C’est drôle...

Lucie ― Parce que j’avais fait des études d’anglais. Je me disais : « Putain les mecs ils vont m’emmerder sinon, ils ne vont me parler que de ça... »

Marc ― Face à n’importe qui, quand tu dis que tu travailles au cabinet de tel ministre, les gens vont te sortir ce que les guignols disent sur ton ministre. Ce n’est pas passionnant...

Philippe ― Même si tu es face à des gens qui te sont opposés politiquement, il y a un côté hyper agréable, quand tu es déplacement, de voir que tu es pris en considération. Ils se soucient de toi, parce que tu es un rouage, donc ils ne vont pas te laisser en rade.

Marc ― Ça paraît complètement usurpé.

Philippe ― Usurpé ou pas, ils vont se soucier de toi...

Lucie ― Tu ne vas pas avoir de problème quotidien. Tu es pris en charge.

Philippe ― Tu es considéré. Et quand ça s’arrête, tu es soudain moins considéré... Et en tu te démonétises très vite.

Lucie ― Et quand le mec pour qui tu bossais quitte la vie politique, ton téléphone ne sonne plus pendant un moment. Tu gardes tes copains, mais moi je m’étais pas mal désocialisée. Donc je n’avais que ma fille, je me suis beaucoup raccroché à ça. Je n’avais pas d’autres perspectives, et je suis retournée à la fac. Je m’étais inscrite au chômage. Je me souviens de la nana de l’ANPE, je lui expliquais ce que j’avais fait, j’étais extrêmement gênée, on était dans un petit box, elle criait « Monique, viens voir, elle a bossé pour Lionel Jospin ! » Moi ça me posait problème, parce que je cherchais un boulot. Et puis elle me disait : « Vous avez trop de diplômes, ça ne rentre pas dans les cases. » Évidemment, elle ne me proposait rien. Je voulais faire un bilan de compétences, et elle m’avait répondu : « Mais ça ne vous servira à rien », alors que je pense que ça m’aurait servi. Du coup, j’étais paumée, parce que je me retrouvais avec des gens qui me posaient des questions sur Jospin : « Comment il va, est-ce que vous le voyez, comment il était ? »... D’ailleurs on me ramène toujours à ça. On m’en parle tout le temps. Moi, dix ans après, je n’en n’ai plus envie. Qu’on me ramène à ça aujourd’hui, ça me fatigue...

Marc ― Après un passage dans un cabinet, tu as l’impression que, d’un coup, tu as acquis un capital énorme, un carnet d’adresse, et que tu pourrais vivre de ça pendant trente ans. Une fois que tu as mis le doigt dans l’engrenage, dans cette sphère politico-parisienne, tout se fait...

NOTES

[1] À la Maison Blanche, série américaine des années 2000 sur un président américain de fiction.

[2] À l'Assemblée, le rapporteur d'une loi est le député qui porte le texte durant les séances.

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