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Pourquoi (pas) Le Monde ?

Pourquoi (pas) Le Monde ?

Pourquoi (pas) Le Monde ?
Mis en ligne le jeudi 17 février 2011 ; mis à jour le jeudi 24 mars 2011.

Publié dans le numéro 003 (Mars 2011)

 

Cet article a été publié entièrement sur cette page : Pourquoi (pas) Le Monde ? [texte intégral].

Vers la fin de mon audition, je tente :
- Je veux du gonzo, même ! Du Hunter Thompson au Monde  !
Sourires amusés de mes interlocuteurs, manifestement dubitatifs. Je reprends.
- Bon, d’accord, du gonzo soft...
Allons-y donc pour du gonzo soft.

Je ne sais même plus quand j’ai eu l’idée, ou l’envie, la première fois. Je me souviens d’une première hésitation, toute fin décembre 2010, en voyant que les candidatures pour diriger Le Monde étaient ouvertes jusqu’au 3 janvier 2011. Et puis, les vacances, les fêtes : j’ai laissé tomber.

Début janvier, quatre journalistes du Monde se déjà sont portés candidats, dont la directrice de la rédaction, Sylvie Kaufman, l’adjointe donc d’Eric Fottorino, celui dont la place est à prendre. Fottorino qui, faut-il le rappeler, vient de se faire virer par les trois actionnaires (Pierre Bergé, Xavier Niel, Mathieu Pigasse) dans des conditions assez sanglantes : après avoir favorisé la venue de ce trio (dit « BNP ») avant l’été 2010, il s’est frontalement heurté aux nouveaux actionnaires, leur écrivant, début décembre 2010, « Je suis déçu. Je me sens trahi au nom de notre collectivité » et dénonçant un «  harcèlement moral managérial qui montre son visage mais qui ne dit pas son nom » [1].

Un mois auparavant, le 4 novembre, Fottorino avait, dans un texte étonnant publié dans Le Monde, dressé « un bilan critique » de son journal, dénonçant notamment le fait qu’il « s’était un temps donné la mission de faire trembler le CAC 40 » et « entretienne la suspicion envers les pouvoirs politiques et économiques ». Cette critique, mêlée à d’autres sur la gestion industrielle du groupe, visait, sans les citer nommément, le trio Minc-Colombani-Plenel, les précédents patrons du quotidien. Elle avait heurté un grand nombre de journalistes du Monde : soixante-quinze d’entre eux avaient aussitôt signé une lettre reprochant à Fottorino cet éditorial. Pour cette raison sans doute, son éviction par les nouveaux actionnaires, un mois plus tard, ne suscite guère de drames au sein de la rédaction du quotidien. Son remplacement se transforme en un jeu étonnament complexe. Comme le résume Emmanuel Berreta du Point [2] : « les trois nouveaux propriétaires privilégient une candidature extérieure au journal : 1) un homme neuf ou une femme qui, par son charisme, son parcours, sa force de caractère parviendrait à transcender les différents courants et enterrer les différents macchabées enfermés dans les placards du journal ; 2) Bergé, Niel et Pigasse souhaiteraient, en outre, que le candidat maîtrise les enjeux technologiques qui bousculent les habitudes du métier et l’obligent à se redéfinir ; 3) Il faudrait enfin que sa date de naissance soit postérieure à 1961. Cette dernière condition étant plus ou moins une conséquence directe du point 2. »

Le 6 janvier 2011, je vois passer une dépêche annonçant que les candidatures sont encore ouvertes. Cela me réveille. Je me jette à l’eau : en une demi-heure, je rédige une lettre d’une page, que je poste l’après-midi même, accompagnée de mon C.V. J’écris notamment, emporté par ma propre grandiloquence : « Redonner une identité au Monde, voici le projet que je souhaite proposer. Cela a été dit maintes fois, il n’est plus question de faire du quotidien du soir (ou du matin... pourquoi ne pas revoir l’organisation du journal ? Pourquoi continuer à boucler des articles quarante-huit heures avant qu’ils ne soient lus ?) l’objet qu’il était jusque dans les années 1990. Ce n’est plus le journal officiel des débats parlementaires et politiques. Mais ce peut être à nouveau le journal de référence. Comment ? En privilégiant l’écriture et le graphisme. Un quotidien n’est pas un journal comme les autres : il doit être capable, tous les jours, de raconter le monde avec un œil, un regard qui lui est propre. C’est l’ensemble du choix des papiers et surtout de leur traitement qu’il faut revoir : chaque article doit avoir un sens profond pour le journaliste qui l’écrit. Plus de routine, plus de marroniers, mais du désir en amont... ce qui engendrera du désir en aval. Il en va de même pour les dessins, la photo : là encore il faut tout remettre à plat. Faire travailler les meilleurs, leur donner le sentiment qu’ils participent à un grand-œuvre, et non qu’ils remplissent une commande de plus. » Ma lettre n’a rien d’exceptionnel, mais elle est un peu plus détaillée que celle de Bernard Guetta, qui, en gros, ne dit rien de plus que « Je crois en l’avenir de la presse écrite et du Monde en particulier » [3]. Les courriers de candidature des autres candidats ne sont pas rendus publics.

Lundi 10 janvier 2011. Je reçois un mail lapidaire de Louis Dreyfus : « Cher monsieur, je vous remercie de votre courrier par lequel vous m’indiquiez être candidat à la direction du quotidien Le Monde. Je vous remercie de prendre contact avec moi dès que vous le pourrez de manière à pouvoir organiser sans délai votre audition. »

L’intégralité de cet article se trouve dans Le Tigre n°3, mars 2011, en vente :
- en kiosques, en librairies, et à l’unité au prix de 5 euros.
- au format électronique (PDF) au prix de 4 euros.
Conformément aux habitudes du Tigre, à rebours de la plupart des sites de presse, les archives des anciens numéros sont disponibles gratuitement. En revanche, les articles du numéro en cours ne sont disponibles qu’à la vente.
Le Tigre en papier et son site sont intégralement vierges de publicités.

 

 


NOTES

[1] In La Croix, 9 décembre 2010.

[2] Sur lepoint.fr le 24 janvier 2011.

[3] Lettre intégrale sur davidm.blog.lemonde.fr/2011/01/09/bernard-guetta-candidat-a-la-direction-du-monde/

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