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« J’arrive à faire face à à peu près tout »
« Le respect de la diversité n’est pas une donnée française »
Une audience à la Cour nationale du droit d’asile
Grothendieck mon trésor (national)
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Toute la vie de Raymond Roussel, né en 1877, est tissée d’anecdotes rebattues le consacrant comme excentrique : tous ses repas de la journée pris à la suite l’un de l’autre, le refus de porter ses chemises ou ses faux cols plus de trois fois, son don pour les imitations (il travaillait sept ans chacune d’elle), sa roulotte ultra-perfectionnée où le nonce du pape et Mussolini sont venus lui rendre visite, son goût pour les jeux et les pâtisseries (particulièrement la guimauve, la panade et le racahout), son admiration pour Jules Verne (« Demandez moi ma vie, mais ne me demandez pas de vous prêter un Jules Verne ! »), le soin qu’il laissait aux ouvriers de l’Imprimerie Lemerre de remplir au dernier moment les noms de ses personnages, laissés en blanc, ou son monumental caveau de 32 cases au Père Lachaise...
On ignore trop, en revanche : qu’en 1910, il a croisé Clemenceau au grand hôtel Pupp de Karlovy Vary, en Bohème ; qu’il a fait son service militaire comme pianiste et la première guerre mondiale (période durant laquelle il fit teindre tous ses vêtements en noir) comme chauffeur ; qu’en 1905, il a été accusé d’avoir circonvenu 14 mineurs, y compris un enfant de onze ans, dans la maison natale de Zola, 10, rue Saint-Joseph ; que son sleeping ayant heurté un train de marchandises, le 26 février 1898, il a regretté « de n’avoir pas eu de magnésium pour prendre un instantané » ; qu’il a fait percer, en octobre 1911, une lucarne dans le cercueil de sa mère pour pouvoir la regarder jusqu’au dernier moment ; qu’en vacances à Chamonix, il a quitté la table parce que son professeur d’espagnol avait décrété la musique de Massenet « bonne pour les concierges » ; qu’en 1921, il a envoyé une carte postale d’Australie écrite au crayon en s’excusant : « c’est admis, n’est-ce pas, pour les petites distances ? » ; qu’il a pieusement conservé un biscuit en étoile servi en juillet 1923 chez Camille Flammarion ; qu’au cours de ses nombreux voyages à travers le monde il n’a jamais cessé d’envoyer des cadeaux aux proches de Pierre Loti, qu’il vénérait (vases, livres, chocolats autrichiens) ; qu’il aimait les contrepèteries, les charades à tiroir et l’argot, au point d’apprendre, en 1910, à une nurse allemande à dire « c’est emmerdant » plutôt que « c’est embêtant » ; que Roger Vitrac le surnommait « L’homme avec des dents » ; qu’il faisait relire les épreuves de ses livres au chauffeur, au palefrenier et aux femmes de chambre de sa mère afin de s’assurer d’être compris par tous ; qu’il refusait qu’on évoque devant lui la peur du dentiste ou des serpents de peur de l’attraper par contagion ; qu’il payait les dettes de jeu de son professeur d’échecs ; qu’il est mort, le 14 juillet 1933, dans l’hôtel où Wagner composa Parsifal.